Quelle est la procédure fixée par l'article 38 de la Constitution ?
Le Gouvernement peut demander au Parlement l'autorisation de prendre des mesures qui relèvent de la loi. Ces actes sont appelés des ordonnances. L’autorisation est donnée par le vote d’une loi d’habilitation. L'habilitation est limitée dans le temps et dans le champ des mesures à prendre. Le délai accordé par le Parlement au Gouvernement pour légiférer par voie d'ordonnance est variable. Il est en moyenne de douze mois.
Une fois l'habilitation accordée, les ordonnances sont prises en Conseil des ministres et doivent être signées par le président de la République. Une controverse a existé pour savoir si le chef de l’État était obligé de les signer. Le Président Mitterrand a, quant à lui, refusé d’en signer plusieurs pendant la première cohabitation (1986-1988).
Les ordonnances entrent en vigueur le lendemain du jour de leur publication au Journal officiel, sauf si une disposition expresse prévoit une entrée en vigueur immédiate.
Un projet de loi de ratification doit être déposé devant le Parlement dans le délai prévu par la loi d'habilitation.
Comment les ordonnances entrent-elles dans la législation ?
La loi d'habilitation votée par le Parlement précise la date avant laquelle le gouvernement est tenu de déposer un projet de loi de ratification des ordonnances. Si le gouvernement ne dépose pas un projet de loi de ratification dans le délai fixé, l'ordonnance devient caduque, l'état du droit antérieur est rétabli. Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, les ordonnances doivent être ratifiées de manière expresse.
L'ordonnance n'acquiert pleinement valeur législative qu'après sa ratification par le Parlement.
Dans la pratique, la ratification des ordonnances s'effectue le plus souvent à l'occasion de la discussion d'un texte législatif ayant un objet plus large mais en rapport avec celui des ordonnances à ratifier. Les projets de loi de ratification n'ont, en général, pour objet que d'éviter qu'une ordonnance ne devienne caduque. Il est rare qu'ils soient votés par le Parlement. Ils sont d'ailleurs rarement inscrits à l'ordre du jour du travail parlementaire.
Le Parlement peut ratifier l'ordonnance, la corriger des imperfections qu'elle peut contenir, la modifier par l'ajout ou la suppression de dispositions.
La nature juridique de l'ordonnance non ratifiée est importante pour déterminer le juge compétent en cas de recours.
Deux décisions récentes du Conseil constitutionnel (décision QPC du 28 mai 2020 et décision QPC du 3 juillet 2020) ont précisé cette nature juridique. Désormais, les dispositions d'une ordonnance, non ratifiée par le Parlement, "doivent être regardées, dès l'expiration du délai de l'habilitation et dans les matières qui sont du domaine législatif, comme des dispositions législatives au sens de l'article 61-1 de la Constitution. Leur conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit ne peut donc être contestée que par une question prioritaire de constitutionnalité".
Par sa décision du 16 décembre 2020, le Conseil d'État a fait sienne la position du Conseil constitutionnel : saisi d’une contestation de l’ordonnance au regard des droits et libertés garantis par la Constitution il examinera, si la question prioritaire de constitutionnalité ainsi posée est sérieuse ou nouvelle, et la transmettra, le cas échéant, au Conseil constitutionnel qui se prononcera.
Toutefois, le Conseil d’État s’estime toujours compétent pour juger de la conformité de l’ordonnance aux autres règles et principes de valeur constitutionnelle, aux engagements internationaux de la France, aux limites fixées par le Parlement dans la loi d’habilitation et aux principes généraux du droit, ainsi qu’à des règles de compétence, de forme et de procédure. Il pourra ainsi l’annuler si elle est illégale pour l’un de ces motifs, quel que soit le sort réservé par le Conseil constitutionnel à la question prioritaire de constitutionnalité qui lui aura été transmise.
La nature juridique de l’ordonnance non ratifiée est celle d’un acte mixte, pour partie législatif et pour partie réglementaire et qui est désormais potentiellement soumis à un double contrôle juridictionnel.
Comment l'usage des ordonnances a-t-il évolué ?
La pratique des ordonnances existaient déjà sous les IIIe et IVe Républiques sous le nom respectivement de décrets-lois ou de lois-cadres.
Depuis le début des années 2000, le nombre d’ordonnances est en forte augmentation. Les gouvernements ont souvent utilisé à cette procédure pour des sujets techniques ou des réformes délicates (comme les "ordonnances Covid-19" de mars à juin 2020, par exemple).
Une étude du Sénat de juin 2022 montre que le nombre d'ordonnances publiées chaque année est supérieur au nombre de lois promulguées. Entre mai 2012 et mai 2022, le rapport comptabilise 621 ordonnances publiées (soit une hausse de 85% par rapport à la période 2004-2012). Des évolutions de fond sont également constatées :
- les ordonnances ne sont plus uniquement utilisées pour des sujets techniques (simplification du droit, application outre-mer...) mais elles concernent des sujets de nature plus politique ;
- la ratification par le Parlement est de moins en moins systématique (20,3% des ordonnances publiées pendant le premier quinquennat d'Emmanuel Macron, entre 2017 et 2022, ont été ratifiées). Néanmoins, il est très rare qu'une ordonnance devienne caduque (une seule ordonnance depuis 2007) car le Gouvernement respecte l'exigence du dépôt d'un texte de ratification dans le délai fixé par la loi d'habilitation.
Le Parlement doit préalablement autoriser le gouvernement à prendre une ordonnance dans un domaine précis (par une loi d'habilitation, par exemple). Les ordonnances publiées doivent ensuite être ratifiées par le Parlement.