La protection fonctionnelle désigne les mesures de protection et d'assistance dues par l’administration à son agent afin de le protéger et de l'assister contre les attaques dont il fait l’objet dans le cadre de ses fonctions ou en raison de ses fonctions.
A cet égard, il revient à l’administration d’apprécier l’opportunité d’accorder ou non la protection fonctionnelle à un agent qui en fait la demande. Il lui appartient également d’apprécier la forme prise par la protection fonctionnelle laquelle varie selon les menaces ou attaques dont est victime
l’agent.
Bénéficiaires de la protection fonctionnelle
Tout agent public a le droit de bénéficier de la protection fonctionnelle et ce, quel que soit le mode d’accès à ses fonctions (CE, Sect, 8 juin 2011, n°312700).
Elle peut être accordée :
- Aux fonctionnaires titulaires,
- Aux fonctionnaires stagiaires,
- Aux agents contractuels,
- Aux vacataires* (CE, 9 décembre 1970, Commune de Neuilly-Plaisance),
- Aux agents occupant un emploi fonctionnel (TA Orléans, 27 novembre 2001, M. Noddings, requête n°99-2107)
Auparavant, ne pouvaient en bénéficier que les familles des agents publics exerçant des missions de sécurité et de justice (policiers, sapeurs-pompiers, militaires).
Désormais, peuvent en bénéficier, le conjoint, le concubin, le partenaire de PACS, les enfants et ascendants directs de l’agent public.
Cette protection fonctionnelle intervient dans le cadre des instances civiles ou pénales contre les auteurs d’atteintes volontaires à leur intégrité du fait des fonctions exercées par l’agent public (ex : représailles contre les membres de la famille d’un agent public).
La protection fonctionnelle s’applique également aux élus locaux (pour les élus des communes, cf. article L2123-34 du CGCT).
Si l’élu exerce des fonctions dans plusieurs collectivités, il appartient à celle dans laquelle il exerce les fonctions au titre desquelles il a été condamné d’assurer sa protection fonctionnelle (CE, 5 avril 2013, requête n°349115).
Position administrative de l’agent pouvant prétendre au bénéfice de la protection fonctionnelle
Ainsi, l’agent peut être en activité ou à la retraite (apport de l’article 20 de la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires avec le terme « ancien fonctionnaire »).
Il peut être également en congé maladie (CE, 12 mars 2010, Commune d’Hoenheim, requête n°308974).
Il peut être en grève (CE, 22 mai 2017, Commune de Sète, requête n°396453).
Enfin, la personne qui présente la demande de protection fonctionnelle peut ne plus avoir la qualité d’agent public à la date de la décision statuant sur sa demande (CE, 26 juillet 2011, Mme A, requête n°336114).
Octroi de la protection fonctionnelle, obligation pour l’administration
Obligation de principe
Si la demande de protection fonctionnelle est un droit pour l’agent, elle est une obligation pour l’administration dès lors que les conditions d’éligibilité sont remplies.
Deux conditions cumulatives doivent être remplies :
Note
• Il doit exister un lien de causalité entre le fait générateur de l’attaque ou de l’agression et les fonctions exercées par l’agent
CAA Lyon, 6 mars 2001, M.Barbisan, n° 00LY02429 : en l’espèce il s’agissait d’un agent de police municipale victime d’une agression survenue pendant ses heures de service alors qu'il se rendait en civil dans un magasin pour retirer une dotation en équipement. Le juge a considéré que, bien
qu’ayant eu lieu pendant ses heures de services, l’agression n’avait pas le caractère d’une agression survenue à l’occasion de ses fonctions.
Note
• Aucune faute personnelle ne doit pouvoir être imputée à l’agent
personnel de l’agent. Elle engage la seule responsabilité de son auteur devant le juge judiciaire.
Si ces deux conditions remplies, tout refus d’accorder la protection fonctionnelle à un agent est illégal et constitue alors une faute de nature à engager la responsabilité de l’employeur public (CE,26 mars 1965, Villeneuve requête n°60630 / CE, 17 mai 1995, Kalfon requête n°141635).
Protection de l’agent victime d’attaques
L’article L134-5 du CGFP énumère les faits contre lesquels la collectivité est tenue de défendre les agents :
• Les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne,
• Les violences les agissements constitutifs de harcèlement,
• Les menaces,
• Les injures,
• Les diffamations,
• Les outrages.
En outre, la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République est venue introduire l’obligation pour une collectivité publique, lorsqu'elle est informée, par quelque moyen que ce soit, de l'existence d'un risque manifeste d'atteinte grave à l'intégrité physique du fonctionnaire, de prendre sans délai et à titre conservatoire, les mesures d'urgence de nature à faire cesser ce risque et à prévenir la réalisation ou l'aggravation des dommages directement causés par ces faits.
Ces mesures sont mises en œuvre pendant la durée strictement nécessaire à la cessation du risque.
Ces faits peuvent être l’œuvre aussi bien de personnes étrangères au service (usagers, tiers), que d’autres agents (collègue, supérieur hiérarchique, subordonné...).
La protection fonctionnelle doit être accordée s’il existe un lien entre les attaques et les fonctions assurées par l’agent (CE, ass, 30 mars 1962, Berteaux) ou si l’agression verbale ou physique provient à l’occasion de l’exercice de ses fonctions.
Les attaques doivent être suffisamment graves pour nécessiter une mesure de protection, à défaut, elle ne s’applique pas (CAA de Bordeaux, 21 juillet 2004, affiche dans salle des profs accusant l’intendant d’abus de pouvoir mais ne comportant pas d’appréciations personnelles, injures,
outrages).
De même, la simple vulgarité d’un propos ne présente pas un degré de gravité suffisant pour constituer une attaque ouvrant droit à la protection fonctionnelle (CE, 17 décembre 2008, Dublin, requête n°300346).
En outre, les propos pour être retenu au titre de l’insulte ou outrage doivent faire l’objet d’une diffusion publique.
Protection de l’agent faisant l’objet de poursuites
➔ Procédures civiles
Lorsque le fonctionnaire a été poursuivi par un tiers pour faute de service, la collectivité publique doit, dans la mesure où une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions n'est pas imputable au fonctionnaire, le couvrir des condamnations civiles prononcées contre lui.
➔ Procédures pénales
Lorsque le fonctionnaire fait l'objet de poursuites pénales à raison de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle détachable de l'exercice de ses fonctions, la collectivité publique doit lui accorder sa protection.
Le fonctionnaire entendu en qualité de témoin assisté pour de tels faits bénéficie de cette protection.
La collectivité publique est également tenue de protéger le fonctionnaire qui, à raison de tels faits, est placé en garde à vue ou se voit proposer une mesure de composition pénale.
Procédure applicable pour bénéficier de la protection fonctionnelle
Présentation d’une demande écrite de protection fonctionnelle
L’agent doit présenter une demande écrite de protection fonctionnelle auprès de l’administration qui l’emploie à la date des faits en cause.
Il doit préciser les faits pour lesquels il sollicite sa protection fonctionnelle ainsi que tout moyen de preuve à l’appui de sa demande notamment des documents établissant le lien entre les attaques et les fonctions de l’agent. Toutefois, l’agent n’a pas à préciser à l’administration les mesures qu’il souhaite que celle-ci prenne (CAA de Lyon, 23 janvier 2007, req. N°02LY01664).
Délais pour présenter une demande de protection fonctionnelle
La demande de protection fonctionnelle peut théoriquement être présentée à tout moment, l’administration ne pouvant arguer de l’ancienneté des faits pour se soustraire à son obligation de protection (CAA de Nantes, 26 décembre 2002, Coquereau, requête n°01NT00614).
Toutefois, elle peut être refusée dès lors qu'à la date à laquelle l'agent présente sa demande, aucune démarche de l'administration n'est plus envisageable (Conseil d'Etat, 28 avril 2004, n° 232143).
Autorité compétente pour examiner et accorder la protection fonctionnelle
La collectivité compétente pour prendre les mesures de protection à l’égard l’agent est celle qui l’emploie à la date des faits.
Lorsque la demande de protection fonctionnelle émane d’un agent public, le maire ou le président est seul compétent en tant que chef des services communaux pour se prononcer sur celle-ci (CAA de Lyon, 26 avril 2018, requête n°16LY02029).
A défaut, la décision d’octroyer la protection fonctionnelle est entachée d’incompétence. Or, l’incompétence est un moyen d’ordre public (MOP) qui est automatiquement soulevé par le juge administratif en cas de recours en excès de pouvoir.
A l’inverse, lorsque la demande est présentée par un élu communal, seul le conseil municipal, organe délibérant de la commune est compétent pour l’examiner.
La réponse de l’administration
La collectivité apporte une réponse écrite à la demande de protection de l’agent et indique les faits pour lesquels elle accorde la protection fonctionnelle et selon quelles modalités.
En cas de silence de l’administration pendant deux mois, la demande est considérée comme implicitement rejetée.
Formes possibles de la protection fonctionnelle
Les textes ne précisent pas les moyens à mettre en œuvre pour assurer la protection fonctionnelle de l’agent. Il appartient donc à l’administration, sous le contrôle du juge, de choisir ceux qui lui semblent les plus appropriés aux circonstances.
Ces mesures doivent constituer une protection réelle et à la fois faire cesser les atteintes dont l’agent est victime, mais aussi réparer les torts qu’il a subis.
Mesures de soutien et de prévention
Les actions dites de prévention et de soutien en faveur de l’agent peuvent intervenir afin d'éviter la réalisation d'un dommage pour l'agent ou après la commission de l'agression, et visent à soutenir l'agent et à éviter toute aggravation du préjudice.
Elles ont pour objet d’assurer la sécurité, le soutien et la prise en charge de l’agent. Ces actions peuvent prendre une multitude de formes :
o Protection matérielle, physique de l’agent au besoin avec l’aide des services de police pour prévenir les attaques et menaces dont lui ou sa famille peuvent faire l’objet. Ces attaques (diffamations, injures, outrages, menaces de mort) peuvent aussi bien être verbales (rumeur calomnieuse) qu’écrites (lettres, courrier, tract, publication dans la presse ou média), atteindre la personne de l’agent (CE, 21 novembre 1980) ou ses biens (CE, 10 janvier 1969, Sieur Grafmüller).
o Droit de réponse en cas d’agent victime de diffamation (CE, 24 juillet 2019, Ministre de l’Economie et des Finances, requête n°430253).
o Changement d’affectation dans l’intérêt du service en cas d’agent victime de harcèlement moral (CE, 19 décembre 2019, requête n°419062).
o Enquête administrative menée au sein des services
o Procédure disciplinaire contre les agents incriminés.
o Mise ne relation avec les professionnels (médecin, psychologue)
Réparation du préjudice
La collectivité peut assurer la réparation des préjudices subis par de telles attaques dans l’exercice de ses fonctions.
Le préjudice à réparer peut-être d’ordre matériel (CE, Ass, 6 novembre 1968, Sieur Benejam et Sieur Morichère) ou moral (CE, 28 mars 1969, Sieur Jannès, 1 franc symbolique de réparation accordé).
Il s’agit pour l’administration d’assurer une juste réparation de l’entier préjudice de l’agent, sous le contrôle du juge.
Cette obligation cesse si le préjudice subi est réparé par son auteur. En outre, la réparation ne peut excéder le montant du préjudice réel
L’assistance de l’agent dans les procédures judiciaires
L’administration peut assister l’agent notamment en le conseillant sur les procédures à suivre, la juridiction à saisir ou encore en lui recommandant un avocat.
La protection accordée à l’agent public prend également la forme de la prise en charge des frais engagés dans le cadre de poursuites judiciaires : honoraires d’avocat, consignations, frais divers….
Une convention peut être conclue entre l’administration et l’avocat choisi par l’agent dans le but notamment de fixer le montant des honoraires (soit forfait, soit tarif horaire) et autres frais afférents.
La prise en charge des honoraires d’avocat est encadrée par le décret n° 2017-97 du 26 janvier 2017 sous réserve de présentation de justificatifs.
La convention peut prévoir que des frais sont pris en charge au fur et à mesure de leur engagement, à titre d'avances et sur justificatifs, le règlement définitif intervenant à la clôture de l'instance sur présentation du compte détaillé.
Dans le cas où la convention n'a pas été conclue, la prise en charge des frais exposés est réglée directement à l'agent sur présentation des factures acquittées par lui.
Si la convention comporte une clause en ce sens ou en l'absence de convention, en cas de caractère manifestement excessif des honoraires d’avocat eu égard aux pratiques tarifaires dans la profession et aux prestations fournies, l’administration peut décider de n’en rembourser qu’une partie (CE, 2 avril 2003, Chantalou, requête n°249805 / CE, 19 octobre 2016, requête n°401102). Le règlement du solde restant incombe alors à l’agent.
Lorsque la prise en charge par la collectivité publique ne couvre pas l'intégralité des honoraires de l'avocat, le règlement du solde incombe à l'agent dans le cadre de ses relations avec son conseil.
La garantie de l’agent contre les condamnations civiles
L’administration peut assister l’agent lorsqu’il est mis en cause à raison du service devant les juridictions pénales ou civiles pour des faits constitutifs d’une faute de service et exclusifs de toute faute personnelle.
La faute de service correspond à celle commise par l’agent dans l’exercice de ses fonctions soit pendant le service avec les moyens du service et en dehors de tout intérêt personnel.
Dans l’hypothèse où l’agent a été condamné par une juridiction judiciaire pour une faute de service, l’administration doit régler en lieu et place de l’agent les sommes résultant des condamnations civiles prononcées à son encontre.
Nature juridique de la décision accordant la protection fonctionnelle
La décision d’accorder la protection fonctionnelle à l’agent est une décision individuelle explicite et créatrice de droit.
En conséquence, elle ne peut faire l’objet d’un retrait par l’administration que dans un délai de quatre mois suivant son édiction.
Suite à la découverte d’une faute personnelle commise par l’agent public, l’administration pourra néanmoins abroger la décision de lui accorder la protection fonctionnelle. Autrement dit, elle ne produira plus d’effets pour l’avenir ce qui implique le refus de prendre en charge les frais d’avocat.
Décision refusant d’accorder la protection fonctionnelle
Le refus doit être écrit et motivé en fait et en droit, le juge contrôlant rigoureusement cette obligation.
Les voies et délais de recours contre ladite décision doivent également être indiqués. L’absence de réponse de la part de l’administration à une demande de protection fonctionnelle dans les deux mois suivant sa réception fait naître une décision implicite de rejet.
Le refus explicite ou implicite de l’administration d’accorder la protection fonctionnelle à l’agent peut faire l’objet d’un recours en excès de pouvoir dans les deux mois suivant sa notification à l’agent (si décision explicite) ou dans les deux mois suivant naissance décision implicite de rejet.
Contentieux
Plusieurs cas de figures se présentent devant le juge administratif.
Contestation du refus d’accorder la protection fonctionnelle à l’agent
Dans ce cas, le juge administratif va examiner le bien-fondé de la décision (motifs de faits et de droit).
Si le motif est légal (intérêt général ou en cas de faute personnelle commise par l’agent détachable du service), la décision de refus de l’administration est maintenue par le juge administratif.
Toutefois, si le motif est illégal, la décision de refus de l’administration est annulée par le juge administratif et la responsabilité pour faute de celle-ci peut être engagée. En effet, cette faute, carence de l’administration (refus) peut créer un préjudice (moral, matériel, financier…) pour l’agent qui peut alors en obtenir réparation.
L’agent doit toutefois apporter la preuve du préjudice et établir que le refus est bien à l’origine du préjudice.
Ainsi, la manière de servir de l’agent ne peut justifier le refus qui lui est opposé par l’administration quant au bénéfice de la protection fonctionnelle (CE, 24 juin 1977, Dame Deleuse).
De même, l’absence de dépôt plainte par l’agent ne peut justifier le refus qui lui est opposé par l’administration de jouir de la protection fonctionnelle (TA de Marseille, 21 décembre 1991).
Contestation de la décision d’accorder la protection fonctionnelle jugée insuffisante par l’agent
Dans ce cas, le juge administratif va vérifier l’adéquation entre la menace ou l’attaque dont est victime l’agent et la mesure de protection prise par l’administration pour la faire cesser.
L’appréciation du caractère suffisant, approprié de la mesure de protection fonctionnelle se fait au cas par cas, en fonction des circonstances de l’espèce.
Une réponse inadaptée de la collectivité à une demande de protection peut non seulement être assimilée à une décision de rejet mais également engager la responsabilité de l’administration pour faute (CAA de Lyon, 3 avril 2001, requête n°98LY00960).