Les régimes politiques de la Révolution française à 1958

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Les régimes politiques de la Révolution française à 1958

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Histoire constitutionnelle de la France, de la Révolution à la Ve République


Une grande continuité administrative

Depuis 1789, tous les changements de texte constitutionnel ont été opérés de manière non pacifique et sans respecter les formes prévues par les textes antérieurs, ou en transformant pour la circonstance le procédé de révision pour permettre une modification totale. Cependant l’histoire politique française n’est pas une juxtaposition d’expériences indépendantes les unes des autres, mais une longue chaîne qui, après deux cycles "Monarchie-République-Régime autoritaire", sur près d’un siècle et demi, et de nombreux soubresauts, semble s’être arrêtée sur la République, associée au régime parlementaire.

Mais cette instabilité est plus apparente que réelle : si les textes ont changé, les hommes ont pu rester en place, et bien des institutions politiques ou administratives ont pu survivre aux tempêtes, comme le Conseil d’État, les grandes administrations, ou les institutions locales, à l’image des préfets... Il faut ainsi souligner une grande continuité administrative, derrière l’apparente discontinuité des formes constitutionnelles.


De multiples expériences constitutionnelles

Depuis la Révolution de 1789, la France a multiplié les expériences constitutionnelles, par un enchaînement dans lequel les régimes nouveaux se nourrissent des précédents, sans vraiment faire table rase du passé En même temps, contrairement au Royaume-Uni ou aux États-Unis, elle a souvent préféré changer de régime – notamment à l’occasion d’une révolution, d’une guerre ou par coup d’État – plutôt que d’adapter le régime en place.

Ainsi, depuis 1789, la France a-t-elle connu 14 constitutions (trois sous la Révolution, trois sous le Consulat et l’Empire, deux chartes plus la Constitution de 1815 dite des "Cent-jours", puis les constitutions de 1848, 1852, 1875, 1946 et 1958), auxquelles il faut ajouter d’une part les constitutions non appliquées (celle de 1793), d’autre part les simples modifications d’une Constitution initiale (1802 et 1804)... Sans omettre des périodes sans constitution, comme le gouvernement révolutionnaire de 1793-1794, ou les gouvernements provisoires (1848, 1870). Certains régimes, enfin, ont connu des évolutions non écrites (le Second Empire, "libéral" à partir de 1860, la "Constitution Grévy", transformant la IIIe République à partir de 1879).

Au-delà des incertitudes "comptables", il y a lieu de retracer l’histoire constitutionnelle des régimes qui se sont succédé depuis la Révolution française, jusqu'à l’actuelle Ve République, car la tradition républicaine française pousse ses racines bien avant 1958.

Essentiel
L’histoire constitutionnelle la France a connu 14 constitutions. La plupart ont été le fruit de bouleversements non pacifiques. Pourtant cette histoire en apparence instable fait ressortir une continuité dans la gestion administrative. En effet, les régimes qui se sont succédés se nourrissent des précédents. Les grandes administrations et des institutions comme le Conseil d’Etat, créé en 1799, ont perduré malgré des alternances entre monarchie et République
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La Révolution : vers la première Constitution française (1789-1791)

Convoqués par le roi en raison de la gravité de la crise du royaume, les États généraux se transforment, de façon unilatérale et sans l’accord du souverain, en une Assemblée nationale constituante à l'origine de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et de la première Constitution, au sens moderne du terme.

Ouverts le 5 mai 1789, les États généraux rassemblent, en trois assemblées distinctes, les représentants des trois ordres :
  • noblesse,
  • clergé et
  • tiers état
qui composent la France d’Ancien régime. Dès le 17 juin, par un véritable coup de force juridique, inspiré par Sieyès, ils se déclarent Assemblée nationale, c’est-à-dire représentants de la nation. Réunie à la salle du Jeu de paume, l’Assemblée prononce le serment de ne pas se séparer jusqu'à ce que la "constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides", devenant alors ainsi constituante.

Le 27 juin, le roi accepte la fusion des ordres, marquant par là-même la fin de l’absolutisme monarchique : la nation toute entière est détentrice du pouvoir, dont le roi ne sera plus que l’un des représentants. Constitutionnelle, la Révolution revêt également une dimension sociale et politique, et des émeutes se produisent à Paris (avec la prise de la Bastille le 14 juillet) et dans d’autres villes. Lors de la nuit du 4 août 1789, l’Assemblée prononce l’abolition des privilèges nobiliaires, religieux et territoriaux : l’Ancien Régime a vécu.

L’Assemblée nationale constituante décide de doter la France d’une constitution écrite, qui doit être précédée d’une déclaration des droits.


La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen

Cette Déclaration, dont la discussion s’est achevée le 26 août 1789, devait servir de guide pour le futur législateur et de référence pour apprécier et évaluer l’action des gouvernants.

Parmi les nombreuses sources et influences de ce texte, on peut citer :
  • l’école du droit naturel (Grotius) ;
  • la théorie du contrat social (Locke, Rousseau) ;
  • la conception rousseauiste de la loi comme expression de la volonté générale ;
  • la doctrine de la séparation des pouvoirs de Montesquieu ;
  • la conception individualiste dégagée du christianisme
  • l’influence de la Déclaration d’indépendance américaine de 1776 (dont l’auteur, Jefferson, est ambassadeur des États-Unis à Paris)
La Déclaration française définit un ensemble d'idées et de valeurs. Si elle veut exposer et rappeler les droits naturels de l’homme et du citoyen, elle ne crée cependant pas de nouvelle norme juridique à proprement parler ; elle en laisse le soin à la future Constitution (ainsi, l’article 16 énonce : "Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution").


La Constitution de 1791

Les bases de la Constitution sont posées dès octobre 1789. Pour autant, le travail constituant est loin d'être achevé, à cette date. Votée le 3 septembre 1791, la Constitution est acceptée par le roi qui lui jure fidélité.

Si elle préserve la monarchie, la Constitution de 1791 consacre avant tout :
  • la souveraineté nationale à l'article 1er (titre III) : "La souveraineté appartient à la nation" ;
  • le gouvernement représentatif à l'article 2 : "La constitution française est représentative. Les représentants de la nation sont le corps législatif et le roi."
Définie comme une entité juridique distincte des individus qui la composent, la nation est représentée par le corps législatif et le roi. Ce dernier participe à l'élaboration de la loi grâce à son droit de veto. Ce droit de sanction permet au roi de retarder de six ans maximum l'entrée en vigueur d'une loi.

L'ambition de représenter la nation ne garantit cependant pas les mêmes droits politiques à tous les citoyens. Seuls les citoyens actifs peuvent participer à la vie politique (c'est-à-dire qu'ils peuvent voter et être éligibles) tandis que les citoyens passifs (comme les femmes, par exemple) ne jouissent que des droits civils.

La Constitution organise aussi la séparation stricte des pouvoirs. Elle crée une Assemblée unique de 745 membres élus pour deux ans (et rééligibles une fois). Cette assemblée siège en permanence et ne peut être dissoute par le roi. L'existence d'une unique chambre (et donc le refus du bicamérisme) repose sur l'idée que la souveraineté nationale n’est pas divisible. Les constituants craignent qu’une seconde chambre soit le prétexte à une nouvelle hiérarchie et donne naissance à de nouveaux privilèges pour l'une d'entre elles.

Les ministres, choisis et nommés par le roi, ne sont responsables que devant lui ; ils ne peuvent être membres de l’Assemblée. Ainsi, la constitution de 1791 ne consacre aucun élément d’un régime parlementaire.

Mais cette monarchie constitutionnelle ne dure pas longtemps. Elle prend fin après la fuite de Louis XVI et son arrestation à Varennes en juin 1791. Le 10 août 1792, le roi oppose son veto à deux décrets de l’Assemblée sur les émigrés et sur les prêtres réfractaires. Soupçonné d’intelligence avec l’ennemi, alors que la France est en guerre avec l’Autriche, il est suspendu par le corps législatif et remplacé provisoirement par un groupe exécutif de six ministres à la suite de l'invasion des Tuileries par la population.

Par la suite, l'Assemblée fait élire au suffrage universel une Convention nationale, chargée de rédiger une nouvelle constitution. Ainsi, la première révision constitutionnelle est provoquée par la rue.


Essentiel
Le 17 juin 1789, les États généraux se déclarent Assemblée nationale, représentante de la nation ;

Le 20 juin, l'assemblée devient constituante en prêtant le serment qu’elle ne se dissoudra pas avant d’avoir doté le royaume d’une Constitution. Ce serment prêté dans la salle du Jeu de paume marque un tournant dans l’histoire institutionnelle française ;

La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC), achevée le 26 août 1789, servira de guide aux intentions de l’Assemblée constituante.

La première constitution du 3 septembre 1791 rappelle que la souveraineté appartient à la nation. Elle inclut la DDHC.
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De la démocratie de l'an I à la dictature de la Convention (1792-1795)

Fin 1792, la Constitution finalement adoptée au terme de laborieux travaux voit rapidement son application ajournée « jusqu'à la paix », et le gouvernement constitutionnel est remplacé par un gouvernement révolutionnaire.

La Convention se divise entre Girondins et Montagnards, les premiers étant considérés comme plus modérés et plus décentralisateurs que les seconds. Après un premier projet « girondin », abandonné avec la condamnation à mort de ses principaux rédacteurs, la Convention rédige très rapidement une nouvelle Constitution, qualifiée de « montagnarde ».

Relativement courte (124 articles), précédée d’une Déclaration des droits de l’homme et du citoyen plus démocratique que celle de 1789 (qui consacre la primauté de l’égalité et le droit au bonheur), la Constitution du 24 juin 1793 s’inspire très largement des idées de Rousseau. Proclamant la souveraineté du peuple, et non plus de la nation, c’est elle qui introduit le suffrage universel direct en France, ainsi que le référendum législatif, permettant aux citoyens de participer directement à la gestion des affaires publiques.

Plutôt que la séparation des pouvoirs et le régime parlementaire (évoquant la Grande-Bretagne, alors à la tête de la coalition militaire antifrançaise), la Constitution de l’an I opte pour une spécialisation des pouvoirs, correspondant à une organisation pyramidale des fonctions : il s’agit d’un régime d’assemblée, dans lequel le pouvoir législatif exerce l’essentiel des pouvoirs et domine un exécutif collégial de 24 membres choisis par l’Assemblée, elle-même élue pour un an.

Bien que jamais appliquée, la Constitution de l’an I a joui d’un grand prestige dans l’histoire constitutionnelle et politique française : on a pu parler à son égard d’une consécration de la mystique révolutionnaire du gouvernement d’assemblée.


Gouvernement révolutionnaire et dictature de la Convention

Cette Constitution n’a pas eu le temps d’entrer en vigueur : décrétant, sur un rapport de Saint-Just, que « le Gouvernement [serait] révolutionnaire jusqu'à la paix », la Convention suspend de fait son application par un décret du 10 octobre 1793 (19 vendémiaire an II).

Proclamé « révolutionnaire » parce qu’il n’est pas organisé selon des dispositions constitutionnelles, vues comme autant de contraintes empêchant le pouvoir de triompher des obstacles politiques et militaires dressés sur le chemin de la Révolution, ce gouvernement provisoire durera jusqu'à la mise en place de la Constitution de l’an III (22 août 1795).

Un tel contexte favorise l’installation de la dictature de la Convention : élue pour rédiger une Constitution, elle exerce en même temps le pouvoir législatif, tandis que le pouvoir exécutif provisoire lui est étroitement soumis ; comme le proclame le décret du 4 décembre 1793 (14 frimaire an II), la Convention est le centre du pouvoir.

La mise en place progressive de la Terreur, destinée à lutter contre les menaces « contre-révolutionnaires », quelles qu’en soient leurs manifestations, avait frayé la voie du gouvernement révolutionnaire. Ainsi dès le printemps 1793, nombre de lois restrictives des libertés sont adoptées : création d’un « Tribunal extraordinaire », « loi des suspects », suppression de l’inviolabilité des parlementaires... Parmi les vingt-et-un comités que la Convention avait formés en son sein, deux ont pris le pas sur les autres, et finissent par dominer la Convention elle-même : le Comité de Sûreté générale et le Comité de Salut Public. Ce dernier, créé le 6 avril 1793, se voit confier les affaires extérieures, la sûreté intérieure de l’État et la conduite des affaires les plus importantes.

Au sein de ce Comité, dépendant théoriquement de la Convention et renouvelé tous les mois, Robespierre, Saint-Just et Couthon exercent une véritable dictature personnelle, après la chute des Girondins fin mai 1793, concentrant le pouvoir au nom de la défense de la Révolution, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières.

La Convention finit par se révolter le 9 thermidor an II (ou 27 juillet 1794), qui voit la victoire des « Thermidoriens », nom donné aux modérés lassés de cette dictature sanglante. S’ensuit alors une période d’incertitude constitutionnelle. Après un an d’hésitations, la Convention décide d’abandonner la Constitution de l’an I, symbole de la terreur révolutionnaire, et d’en rédiger une nouvelle.

Essentiel
Fin 1792, la première constitution française est ajournée en raison de la guerre. Le 24 juin 1793 est adoptée une nouvelle constitution qui affirme la souveraineté du peuple et non plus la souveraineté nationale.

Cette constitution, dénommée constitution de l’An I instaure un régime d’assemblée, dirigé par la Convention, qui préfère la spécialisation des pouvoirs à la séparation des pouvoirs. Ainsi, l’essentiel des pouvoirs est confié à la convention.
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Constitution de l'an III : le moment méconnu du Directoire (1795-1799)

Le Directoire se préoccupe davantage de la stabilisation civile et économique du pays, et de conquêtes militaires en Europe, que de l’instauration de la démocratie. La Déclaration des droits, qui précède la Constitution, énonce un certains nombre de principes moraux voire réactionnaires (art. 5 : "Nul n’est homme de bien, s’il n’est franchement et religieusement observateur des lois"). La proclamation de la seule égalité devant la loi l’emporte sur la recherche de l’égalité politique.

La Convention thermidorienne protège les institutions à la fois contre un retour de la monarchie et contre la dictature d’un homme issu de l’Assemblée. Cette recherche de l’équilibre conduit néanmoins à la paralysie, la Constitution de l’an III consacrant en effet des pouvoirs nouveaux qui sont étroitement séparés.

Deux assemblées sont créées, le Conseil des Anciens (250 membres) et le Conseil des Cinq-Cents (500 membres). Si l’âge de 30 ans suffit pour appartenir aux Cinq-Cents, les Anciens doivent avoir 40 ans et être mariés ou veufs (ces conditions étant un gage de sagesse et de raison). Les membres de ces assemblées sont élus pour trois ans, renouvelables par tiers tous les ans : ce renouvellement partiel, une première en France, est destiné à assurer une continuité politique et à éviter des changements de majorité trop brutaux.

Le suffrage universel est supprimé au profit d’un suffrage censitaire réservé aux contribuables, et l’élection à deux degrés est rétablie. La Constitution de l’an III refuse la démocratie semi-directe s’appuyant sur le référendum législatif : seul le référendum constituant est prévu.


... à la paralysie et au coup d'État

Le Directoire, organe exécutif collégial, est composé de cinq membres, nommés pour cinq ans et choisis par le Conseil des Anciens sur une liste de dix noms présentés par le Conseil des Cinq-Cents. L’égalité entre eux est garantie de manière rigoureuse afin d’éviter la dictature d’un des Directeurs. Le pouvoir exécutif appartient aux Directeurs, qui disposent d’attributions importantes, tandis que les ministres ne sont que de simples agents d’exécution, sans pouvoir politique.

Nulle trace de régime parlementaire : les Directeurs ne sont pas révocables par les Assemblées, et il n’existe ni interpellation ni question. La volonté de séparation des pouvoirs est poussée jusqu'à l’extrême : les Directeurs n’ont ni initiative des lois, ni droit de veto et ils ne collaborent pas à l’édiction de la loi, qui est l’œuvre du seul Corps législatif. Pour les rédacteurs de la Constitution, il faut éviter la dictature de l’exécutif. En sens inverse, le Corps législatif n’a aucun moyen d’action sur le Directoire et ne peut le renverser : il faut alors prémunir le régime contre la dictature de l’assemblée.

La difficulté est qu’aucun mécanisme institutionnel n’est prévu pour résoudre les conflits. La révision de la Constitution elle-même étant enfermée dans des conditions impossibles à réaliser, seul un coup d’État pourrait permettre de modifier le régime, et d’ailleurs, plusieurs tentatives se succéderont. Celle qui finit par emporter le régime du Directoire, et aussi la République, est le coup de force politico-militaire de Napoléon Bonaparte, appuyé par Sieyès, alors Directeur, le 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799).

Le pouvoir législatif est aussitôt suspendu. Comme l’affirme la proclamation des Consuls du 24 frimaire an VIII (15 décembre 1799) : "Citoyens, la Révolution est fixée aux principes qui l’ont commencée : elle est finie".

Essentiel
La Constitution de l’an III se caractérise par la volonté de stabiliser les institutions après la Convention. Une séparation des pouvoirs stricte est organisée. L’exécutif et le législatif n’ont pas de pouvoir de révocation l’un sur l’autre.
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Consulat et Empire : l'autoritarisme napoléonien (1799-1815)

Constitution de l’an VIII : une organisation inédite des pouvoirs

Contrairement aux constitutions révolutionnaires, celle du 22 frimaire an VIII (13 décembre 1799), organisant le régime du Consulat sur un modèle inspiré de la Rome antique, consacre la primauté du pouvoir exécutif sur les assemblées. Le pouvoir exécutif est confié à un organe apparemment collégial, composé de trois consuls. Dans les faits, le Premier Consul détient à lui seul la majorité du pouvoir.

La Constitution crée également un Conseil d’État chargé de rédiger les projets de lois et les règlements d’administration publique et de "résoudre les difficultés qui s’élèvent en matière administrative" (art 52). La dualité des fonctions de cet organe, consultatives et contentieuses, est donc inscrite dès les origines.

C’est dans le but d’affaiblir le pouvoir législatif que la Constitution de l’an VIII instaure le multi-caméralisme (répartition du pouvoir législatif entre plusieurs chambres) :
  • le Tribunat, composé de 100 membres, est chargé de discuter les projets de lois ;
  • le Corps législatif, composé de 300 membres, statue par bulletin secret sur les textes qui lui sont soumis, mais "sans aucune discussion de la part de ses membres" ;
  • en outre, est créé un Sénat conservateur (de la Constitution) : composé de 80 membres, inamovibles et à vie, choisis par le Premier Consul, il est juge de la constitutionnalité des lois, et peut modifier la Constitution par des "sénatus-consultes".

Du Consulat à l’Empire (1804-1815)

Les victoires militaires facilitent le maintien du régime napoléonien. Par le sénatus-consulte du 16 thermidor an X (4 août 1802), Napoléon Bonaparte devient consul à vie, les pouvoirs de l’exécutif et du Sénat sont renforcés, tandis que ceux des autres assemblées sont réduits.

Puis, avec le sénatus-consulte du 28 floréal an XII (18 mai 1804), le régime consulaire se transforme en empire héréditaire. L'article Ier proclame que "le gouvernement de la République est confié à un Empereur". La succession est organisée dans la descendance directe, naturelle et légitime de Bonaparte, sur le modèle d’une véritable monarchie. Des dignités impériales sont créées, donnant naissance à une noblesse d’Empire.

Pour asseoir son pouvoir, Bonaparte se fait sacrer empereur par le pape Pie VII le 2 décembre 1804, à Paris - et non à Reims, comme les rois d’Ancien régime.

Les autres pouvoirs sont condamnés à n’avoir qu’un rôle formel :
  • le Tribunat est réintégré au sein du Corps législatif, qui retrouve la parole ;
  • le Sénat, dans lequel siègent les princes et les dignitaires impériaux, perd toute indépendance.
En 1814, le Sénat, profitant de la défaite militaire et de l'abdication de Napoléon Ier, veut proclamer roi Louis XVIII, frère de Louis XVI. Revenu de son exil anglais, Louis XVIII ne se considère cependant pas lié par cette démarche : la Charte du 4 juin 1814, "octroyée" par le "roi de France et de Navarre" à ses sujets, doit néanmoins opérer une synthèse entre les acquis de la Révolution et certains principes hérités de l’Ancien Régime.

Le retour triomphal de Napoléon Ier depuis l’île d’Elbe et l’épisode des Cent jours, entre mars et juin 1815, suspend l’application de la Charte. Rédigé par Benjamin Constant, "l’acte additionnel aux constitutions de l’Empire" (22 avril 1815) tente d’instaurer un régime impérial plus démocratique.

Essentiel
Le Consulat est mis en place à la suite du coup d’État du 18 brumaire, qui consacre la primauté du pouvoir exécutif sur les assemblées.

Le pouvoir exécutif est composé de trois consuls mais l’un d’entre eux, le Premier Consul Napoléon Bonaparte, détient des pouvoirs bien plus importants que les deux autres (Sieyès et Ducos).

Le pouvoir législatif est partagé entre trois assemblées.

Le 18 mai 1804, le régime consulaire se transforme en empire héréditaire. Bonaparte est sacré empereur le 2 décembre 1804 et le régime se construit sur le modèle d’une monarchie.
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La Restauration (1814-1830) : les prémices d'un régime parlementaire

La Charte de 1814 : un texte constitutionnel "octroyé" par le roi

La Restauration voit le retour au pouvoir de la maison des Bourbons : Louis XVIII puis Charles X, frères cadets de Louis XVI se succèdent sur le trône.

Après l’abdication de Napoléon Ier, le 6 avril 1814, la monarchie est rétablie une première fois, mais cette première Restauration est interrompue par l’épisode des Cent-Jours (20 mars-8 juillet 1815). Si l’empereur déchu reprend brièvement le pouvoir, la monarchie est rétablie après la défaite de Waterloo (18 juin 1815) : c'est la "deuxième Restauration".

Proposée par le Sénat, une première Constitution reposant sur la souveraineté nationale est d’abord refusée par le roi. Mais un retour à la monarchie absolue n’apparaît guère possible, étant donné l’ampleur des changements intervenus depuis déjà un quart de siècle. Louis XVIII fait promulguer la déclaration de Saint-Ouen (2 mai 1814). La Charte constitutionnelle, "octroyée" par le roi le 4 juin 1814, est ainsi fondée sur une forme de compromis entre acquis de la Révolution et principe monarchique.

La Charte perpétue les grands principes de liberté et d’égalité contenus dans la Déclaration des droits du 26 août 1789 (égalité devant la loi, devant l’impôt et dans l’accès aux emplois). Elle confirme les libertés individuelles, la liberté religieuse et la liberté de la presse (mais il est prévu que des lois peuvent en réprimer les abus), ainsi que l’indépendance des tribunaux. Elle proclame l’inviolabilité des propriétés, y compris celles des biens nationaux, l’amnistie politique pour les actes antérieurs à 1814 et l’abolition de la conscription.

Dès son préambule, la Charte précise que "La divine Providence, en nous rappelant dans nos États après une longue absence, nous a imposé de grandes obligations. La religion catholique, apostolique et romaine est la religion de l’État. Sur le plan institutionnel, il s’agit d’établir un équilibre ténu, lié aux circonstances de l’heure : "En même temps que nous reconnaissions qu’une Constitution libre et monarchique devait remplir l’attente de l’Europe éclairée, nous avons dû nous souvenir aussi que notre premier devoir envers nos peuples était de conserver, pour leur propre intérêt, les droits et les prérogatives de notre couronne."

Ainsi, s’agissant des pouvoirs publics, il n’y a pas de séparation des pouvoirs.
  • Le roi dispose seul du pouvoir exécutif, avec des prérogatives très étendues : il déclare la guerre, commande les forces armées, fait les traités de paix, d’alliance et de commerce, nomme les ministres ainsi qu’à tous les emplois civils et militaires. Il a la possibilité de faire "des règlements et ordonnances nécessaires pour l’exécution des lois et la sûreté de l’État".
  • Le roi possède explicitement une partie du pouvoir législatif. Il a seul l’initiative des lois et les promulgue.
  • Deux chambres sont prévues (bicamérisme). La Chambre des Pairs est composée de membres nommés par le roi, soit à vie, soit héréditaires, leur nombre n’est pas limité ce qui permet au roi d’en changer la majorité en nommant une "fournée de pairs". La Chambre des députés des départements, quant à elle, est élue pour cinq ans, avec renouvellement par cinquième tous les ans, selon un suffrage censitaire (régime qui n’accorde le droit de vote qu’aux Français mâles âgés de plus de trente ans et payant au moins 300 francs de contribution directe). Le seul pouvoir autonome des chambres est le vote de l’impôt qui ne peut être établi sans leur consentement.
Le roi doit s’adresser régulièrement aux chambres pour leur communiquer la politique qu’il compte suivre. À l’issue de ces discours, elles peuvent approuver ou non cette politique. Si un ministre déplaît au souverain, il peut le révoquer ; si l’un d’eux se rend coupable de trahison ou de concussion (enrichissement illégal), il est passible de poursuites. La Chambre des députés porte l’accusation et c’est la Chambre des pairs qui juge.


Un affrontement entre "ultras", "doctrinaires" et "libéraux"

Maintenu jusqu’en 1820, l’équilibre précaire des débuts de la Restauration cède la place à la domination des royalistes les plus conservateurs jusqu’en 1827, puis à l’affrontement avec les libéraux et, enfin, à la Révolution de 1830.

Le débat politique concerne une petite frange de la population, celle des électeurs, qui se recrutent pour l’essentiel parmi la classe dirigeante et possédante. Il met aux prises trois factions principales (on ne saurait à l’époque parler de parti politique) :
  • Les doctrinaires – également appelés "constitutionnels", parce qu’ils acceptent la Charte – sont associés au pouvoir entre 1816 et 1820. Sont alors votées, notamment, la loi Gouvion Saint-Cyr, imposant aux futurs officiers l’entrée par concours dans une école militaire ou le passage par les fonctions de sous-officier, et plusieurs lois sur la presse abolissant censure et autorisation préalable.
  • Les ultraroyalistes (ou "ultras"), qui souhaitent un retour à l’Ancien Régime et refusent l’idée même de la Charte. Ils disposent d’une majorité écrasante dans la Chambre élue en 1815 ("Chambre introuvable"). Avant d’être dissoute en 1816, cette Chambre prône l’exécution ou l’exil des "traîtres" des Cent-Jours, crée des tribunaux spéciaux (les cours prévôtales), instruments de la Terreur Blanche (répression des opposants à la monarchie) et procède à une forte épuration de l’administration.
  • Les libéraux ou indépendants de gauche constituent la troisième force politique (dont Benjamin Constant ou La Fayette, héros de l’indépendance américaine de 1776, sont les représentants les plus connus). Ils défendent les acquis juridiques de la Révolution : sûreté des personnes, égalité civile, liberté de conscience et de culte, liberté de la presse… Favorables à une évolution du droit de vote, ils se considèrent comme les représentants d’une bourgeoisie d’affaires s’appuyant sur la propriété industrielle.
Les ultras reviennent au pouvoir en 1821. À partir de 1824, l’accession au trône de Charles X leur permet de gagner à nouveau en influence et de revenir sur les libertés garanties par la Charte : lois répressives sur les libertés individuelles, presse en partie muselée, nouvelle loi électorale qui favorise les plus riches, tentative de rétablissement du droit d’aînesse, loi sur le sacrilège (non appliquée) et, enfin, indemnisation des anciens possesseurs des biens nationaux vendus pendant la Révolution ("milliard" des émigrés).

Le 25 juillet 1830, le roi signe quatre ordonnances qui suspendent la liberté de la presse, renvoient la Chambre à peine élue, réforment la loi électorale et fixent à septembre la date des nouvelles élections. Mais les 27, 28 et 29 juillet, Paris se soulève et renverse les Bourbons.

Essentiel
Après l’abdication de Napoléon Ier, le 6 avril 1814, la monarchie est rétablie. Le nouveau régime est fondé sur une forme de compromis entre acquis de la Révolution et principe monarchique.

La Charte constitutionnelle, "octroyée" par le roi le 4 juin 1814 pose les premiers jalons du futur régime parlementaire.

Cette période marque l’affrontement entre plusieurs courants politiques : "ultras", "doctrinaires" et "libéraux", sur le devenir des institutions.
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La Monarchie de Juillet (1830-1848) : de la stabilité à l'émeute républicaine

Des débuts incertains...

Louis-Philippe, "prince dévoué à la cause de la révolution" devient "roi des Français", rompant ainsi, par ce titre, avec les 68 "rois de France" qui l'ont précédé. Le duc d’Orléans succède à son cousin Charles X, renversé par l'émeute, pour un règne de 18 ans.

La nouvelle monarchie est fondée sur un contrat, la Charte de 1814 révisée, promulguée le 14 août 1830 :
  • le roi conserve le pouvoir exécutif mais partage désormais le pouvoir législatif avec la Chambre des pairs et la Chambre des députés ;
  • le drapeau tricolore redevient l’emblème national ;
  • les libertés publiques (liberté religieuse, liberté de la presse) sont confortées ;
  • le corps électoral est élargi (abaissement simultané de l’âge électoral, qui passe de 30 à 25 ans, et du cens électoral).
Le refus de tout élargissement supplémentaire du corps électoral, par abaissement du cens, sera la cause directe de la chute du régime, en février 1848.


... À l'installation du régime

La Monarchie de Juillet connaît des débuts difficiles. Le peuple de Paris souffre de la faim et du chômage jusqu'en 1832. En 1831, une épidémie de choléra fait 20 000 victimes à Paris. Émeutes et complots se succèdent. L’attentat de Fieschi, faisant 18 victimes dans l’entourage du roi le 28 juillet 1835, est exploité par le gouvernement qui, sous l’impulsion d’Adolphe Thiers, fait voter la loi de septembre 1835 réprimant les délits de presse et la propagande anticonstitutionnelle.

Le nouveau régime se heurte à une quadruple opposition, celle des courants :
  • légitimistes, qui souhaitent le rétablissement des Bourbon ;
  • bonapartistes, autour de Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ier, exilé en Suisse et héritier putatif de la maison impériale à partir de 1832 ;
  • républicains, qui recrutent dans la petite bourgeoisie, parmi les étudiants et les ouvriers, s’organisent en sociétés secrètes et appuient notamment, en 1831 et en 1834, les insurrections des ouvriers lyonnais de la soie, les canuts ;
  • socialistes, très divisés. Point commun des diverses doctrines socialistes (saint-simoniens, utopistes proches de Charles Fourier, blanquistes…) qui se développent dans les années 1830 : le constat que la Révolution industrielle alors en plein essor – début de la construction des chemins de fer, progrès de la métallurgie – profite avant tout à la bourgeoisie.

L’orléanisme lui-même, soutien du régime, se divise en deux tendances :
  • pour le "parti du mouvement" (Thiers ou Alexis de Tocqueville), le régime doit évoluer, avancer dans le sens du libéralisme. Soutenant l’élargissement du corps électoral, ce courant sera à l’origine de la loi de 1833 sur les écoles primaires et sa gratuité pour les enfants pauvres, et de celle de mars 1841 sur l’interdiction du travail des enfants moins de 8 ans ;
  • à l'opposé, selon le "parti de la résistance" – représenté par Casimir Périer (président du Conseil de 1831 à 1832) et François Guizot (de facto, chef du gouvernement de 1840 à 1848, et président du Conseil en 1847-1848) – la Charte de 1830 est un point d’arrivée.

Voulant maintenir l’ordre et la stabilité à tout prix, les "conservateurs" tenants de ce "parti" (avec la pratique parlementaire, le mot commence à s'imposer) estiment qu'il faut maintenir à tout prix le régime. Ils seront à l’origine de la forte répression tant de la révolte des canuts de Lyon que des manifestations parisiennes.


Une période de stabilité, au prix de mécontentements grandissants

Entre 1840 et 1848, Guizot se refuse à réformer.

Son programme est simple :
  • paix à l’extérieur, par le rapprochement avec l’Angleterre ;
  • à l’intérieur, priorité absolue au progrès économique, au souci de la prospérité, dans une société solidement encadrée par les notables (c'est le sens du fameux "enrichissez-vous" : par cette formule, Guizot invite les mécontents à rejoindre les rangs de la bourgeoisie, et donc des électeurs).
Logiquement, c'est le refus de la réforme du régime électoral qui cristallise les mécontentements. Certains réclament l’abaissement du cens. Quant aux républicains, ils veulent le suffrage universel. Faute d’un véritable droit de réunion, les opposants organisent, à la fin de l’année 1847, une campagne de banquets destinée à soutenir leurs revendications.

Un dernier banquet doit se tenir à Paris le 22 février 1848, mais Guizot l’interdit. Les Parisiens manifestent alors contre l’interdiction, et la Garde nationale répond violemment, faisant 52 morts. Paris se couvre de barricades. Le 24 février, Louis-Philippe doit abdiquer et s’enfuit en Angleterre. La République est proclamée.

Essentiel
La monarchie constitutionnelle dirigée par Louis-Philippe s’appuie sur la Charte de 1830 et instaure le suffrage censitaire ;

Le roi ne dispose plus de la faculté de suspendre l’application des lois ;

Le régime se heurte à une instabilité gouvernementale qui est liée à de nombreuses oppositions : légitimistes, bonapartistes, républicains et socialistes ;

La Révolution de février 1848 met un terme au règne de Louis-Philippe, qui abdique le 24 février 1848.
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La IIe République (1848-1851), un régime éphémère

Le gouvernement provisoire (février-mai 1848)

Un gouvernement provisoire est installé dès la chute de la Monarchie de Juillet, après l’abdication du roi Louis-Philippe, le 24 février 1848, grâce à un compromis des catégories dirigeantes, ralliées à la République. Il compte onze membres d’opinions politiques différentes. Le poète romantique Lamartine et des républicains modérés y côtoient quelques socialistes.

Le nouveau gouvernement proclame la République à l’Hôtel de Ville de Paris et rejette le drapeau rouge au profit du drapeau tricolore.

Le suffrage universel masculin est instauré par un décret du 5 mars 1848 (tous les hommes français âgés de 21 ans peuvent participer aux élections des 900 députés chargés d’élaborer la Constitution). La peine de mort en matière politique est abolie, la loi de censure de 1835 est abrogée.

Une série de douze décrets du 27 avril 1848 abolit l’esclavage dans les colonies, à l’initiative du ministre des colonies Victor Schoelcher, et organise la vie dans ces territoires.

Le gouvernement provisoire prend également des mesures sociales telles que la création d’ateliers nationaux pour procurer aux chômeurs un petit revenu en échange d’un travail symbolique. Il proclame le "droit au travail", tandis qu’un décret du 2 mars limite la journée de travail des adultes à dix heures à Paris et à onze en province (une mesure éphémère, puisqu'un décret du 9 septembre annule le précédent et fixe la durée journalière de travail maximum à 12 heures).


L’Assemblée nationale constituante (4 mai 1848-26 mai 1849)

Les 23 et 24 avril 1848, 84% des inscrits (soit environ 9 millions d’électeurs) participent à la désignation des députés. Sont élus environ 500 républicains libéraux proches du gouvernement provisoire, dont Alphonse de Lamartine, 150 républicains radicaux et socialistes, dont Louis Blanc, et 250 monarchistes.

La décision de l’Assemblée de supprimer les ateliers nationaux entraîne des émeutes à Paris. Durant ces "journées de juin", un millier de soldats périssent tandis que, du côté des insurgés, les pertes se comptent en milliers. En trois jours, l’insurrection est matée par le général de Cavaignac.

Le bilan répressif est particulièrement lourd : 1 500 fusillés et 15 000 prisonniers, jugés par des conseils de guerre (5 000 seront déportés en Algérie).


Adoption de la Constitution et élection du premier président de la République (novembre-décembre 1848)

Le 4 novembre 1848, la Constitution est adoptée. Elle prévoit l’élection d’un président de la République au suffrage universel masculin pour un mandat de quatre ans (il n’est pas immédiatement rééligible). Le Président dispose du pouvoir exécutif ; il nomme et révoque les ministres.

L’Assemblée de 920 membres, élus au suffrage universel masculin pour trois ans, dispose du pouvoir législatif.

Le 10 décembre 1848, Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ier, est élu président de la République avec 75% des suffrages exprimés contre Louis-Eugène Cavaignac (20%) et Alexandre Ledru-Rollin (5%). Le Président constitue un gouvernement de conservateurs, composé des deux familles issues du monarchisme, légitimistes et orléanistes.


Louis-Napoléon Bonaparte, du Président au coup d'État

Aux élections législatives de mai 1849, un "parti de l’ordre" dominé par des conservateurs obtient la majorité. Il adopte des lois restreignant la liberté de la presse. Le 31 mai 1850, les députés limitent le droit de vote (le corps électoral passe de près de 10 millions à moins de 7 millions de votants). Pour voter, il faut désormais justifier de trois années de résidence au même endroit : cela exclut une bonne partie des ouvriers, pour la plupart contraints de changer régulièrement d’emploi et de domicile.

En mars 1850, la loi Falloux sur l’instruction publique, au nom de la liberté de l’enseignement, renforce l’influence de l’Église catholique dans le primaire et le secondaire.

L’Assemblée constituante refuse à Louis-Napoléon Bonaparte toute modification de la Constitution (qui lui permettrait de briguer un second mandat). Avec la complicité de chefs militaires, il prend le pouvoir : c’est le coup d’État du 2 décembre 1851.

Essentiel
Dès l’abdication de Louis-Philippe, le 24 février 1848, un gouvernement provisoire est installé et la République est proclamée.

Durant les premiers mois, le suffrage censitaire est remplacé par le suffrage universel réservé aux hommes âgés d'au moins 21 ans. Louis-Napoléon Bonaparte est élu président de la République.

Avec la complicité de chefs militaires, Louis-Napoléon Bonaparte prend le pouvoir : c’est le coup d’État du 2 décembre 1851.
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Le Second Empire (1852-1870). Du souvenir d'Austerlitz à la défaite de Sedan



Louis-Napoléon Bonaparte, Prince-Président puis Empereur

Après le coup d'État du 2 décembre 1851, Louis-Napoléon Bonaparte édicte six décrets proclamant la dissolution de l’Assemblée nationale, le rétablissement du suffrage universel masculin, la convocation du peuple français à des élections et la préparation d’une nouvelle constitution pour succéder à celle de 1848. Le suffrage universel est ainsi opposé à la Constitution.

Le pouvoir constituant est délégué, par un plébiscite du 20 décembre 1851, à une commission qui rédige la Constitution du 14 janvier 1852.
Information
La Constitution du 14 janvier 1852
Ce nouveau texte constitutionnel se caractérise par la volonté d’imiter les institutions du régime de l’an VIII. Bien que le suffrage universel soit la source apparente du pouvoir, notamment de celui du Président, la Constitution met en place toutes les caractéristiques d’un régime autoritaire ou césariste.
Comme le Premier consul en l’an VIII, le chef de l’État – qui est encore président de la République en 1852 – est le centre du pouvoir, les autres organes se contentant de graviter autour de lui. Un mandat de dix ans lui est confié, et il n’est responsable que devant le peuple ; les ministres ne sont responsables que devant lui, fermant la porte à un régime de type parlementaire.
Louis-Napoléon Bonaparte s'inspire des institutions consulaires :
  • Le Conseil d’État composé de membres nommés et révocables par le président de la République ;
  • Le Sénat, assurant la fonction de gardien de la Constitution et des libertés publiques, dont les membres, inamovibles, sont les cardinaux, les maréchaux, les amiraux et des citoyens qu’il juge convenable d'élever à cette dignité ;
  • Le Corps législatif, seul organe élu au suffrage universel (pour six ans), discute et vote la loi, mais ne dispose pas du pouvoir d’initiative des lois qui appartient au président de la République.
Au-delà de ces institutions taillées sur mesure, le sénatus-consulte du 7 novembre 1852 propose d’approuver par plébiscite populaire le rétablissement de la dignité impériale et héréditaire. Louis-Napoléon devient ainsi Napoléon III, et la Constitution de 1852 est adaptée aux nouvelles conditions impériales par le sénatus-consulte du 25 décembre 1852.


De l’Empire autoritaire à l’Empire libéral

Le Second Empire (1852-1870) est traditionnellement divisé en deux périodes, "autoritaire" puis "libérale". En effet, si jusqu'en 1860 la vie politique est pratiquement inexistante, Napoléon III doit ensuite chercher de nouveaux appuis, libéraux et républicains, dans la société, car il a perdu le soutien des catholiques (par sa politique favorable à l’Italie mais hostile à l’Autriche) et celui des milieux d’affaires.

Le régime évolue alors progressivement par un renforcement des droits du Parlement :
  • restauration du vote de l’Adresse au discours du Trône (1860) ;
  • publication in extenso des débats parlementaires au Journal officiel et vote du budget par chapitres et sections (1861) ;
  • allongement de la durée des sessions (1866) ;
  • lois sur la liberté de la presse et sur la liberté de réunion (1868).
En 1869, après des élections qui permettent l’arrivée de 125 députés libéraux, un nouveau sénatus-consulte (8 septembre) introduit le partage de l’initiative des lois entre l’Empereur et le Corps législatif, les ministres peuvent être membres des assemblées… autant de conditions favorables à l’instauration d’un régime parlementaire.

Cette évolution s’achève par le sénatus-consulte du 20 avril 1870 : soumis au peuple, qui l’adopte à une très large majorité, ce texte consacre un régime de type parlementaire avec deux assemblées législatives, le Corps législatif et le Sénat, mais l’Empereur continue de nommer et révoquer des ministres qui "sont responsables", sans qu’il soit précisé devant quel organe.

Cependant, quelques mois plus tard, la défaite militaire de Sedan, le 2 septembre 1870, contraint Napoléon III, alors prisonnier, à l’abdication. C’est encore une guerre qui a accéléré le changement de régime constitutionnel.

Essentiel
Louis-Napoléon Bonaparte organise un coup d’État dans la nuit du 1er au 2 décembre 1851. Une nouvelle Constitution prend effet le 14 janvier 1852.

Louis-Napoléon Bonaparte est d'abord président de la République puis, la dignité impériale et héréditaire étant rétablie en novembre 1852, il devient l'empereur Napoléon III.

Le Second Empire s’achève peu après la défaite de Sedan contre la Prusse le 2 septembre 1870.
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La IIIe République (1870-1940). Installation définitive de la République

Une construction complexe

Les débuts difficiles de la IIIe République (1870-1877), dans une période marquée par l’affrontement entre républicains et monarchistes, dessinent les traits principaux du régime, et au-delà, ceux de ses successeurs. Témoin de l’incertitude dans laquelle elle a été élaborée, la "Constitution de 1875" se compose, en réalité, de trois lois constitutionnelles, marquées par les faiblesses d’un texte bref et technique. Après la crise de 1877, l’application coutumière des textes fut très différente de la lettre constitutionnelle, conduisant ainsi à distinguer deux lectures des institutions, sans qu’aucune révision formelle ait été opérée.

Marquée par ses origines complexes, la IIIe République a connu une fin dramatique, liée à la Seconde Guerre mondiale. Elle n’en demeure pas moins, jusqu'à aujourd'hui, le régime ayant connu la plus grande longévité dans l'histoire constitutionnelle, et celui par lequel la République s’installe définitivement.


Des origines ambiguës

Deux jours après Sedan, le 4 septembre 1870, un gouvernement provisoire, constitué autour de députés parisiens, proclame la République au balcon de l’Hôtel de Ville de Paris. Ce gouvernement "de défense nationale" autoproclamé, voulant continuer la guerre avec la Prusse, ne peut cependant ni signer la paix avec l’ennemi ni donner une nouvelle Constitution, faute de légitimité.

L’Assemblée nationale constituante élue le 8 février 1871 l’est d’abord sur la question de la guerre ou de la paix : c’est ainsi que les Français élisent majoritairement des monarchistes (400 députés sur 650), favorables à la paix, face aux républicains pour leur part favorables à la guerre.

En attendant l’adoption d’une future constitution, cette Assemblée monarchiste, réunie à Versailles, nomme le 17 février Adolphe Thiers, républicain modéré, "chef de l’exécutif de la République française", et le charge de gouverner sous son autorité, avec des ministres choisis et dirigés par lui, mais sur la base d’une "résolution" de l’Assemblée.

La période est également marquée par le mouvement insurrectionnel, social, politique, et militaire de la Commune de Paris, du 18 mars 1871 jusqu'au 28 mai 1871, réprimé par le même Thiers.

C’est cette Assemblée qui signe le traité de paix de Francfort (10 mai), entraînant notamment la perte de l’Alsace-Moselle.
Information
La période provisoire (1870-1875)

Durant les cinq premières années de la IIIe République, quatre lois constitutionnelles sont adoptées, :
  • la première est la loi ou Constitution Rivet du 31 août 1871, qui vise à réduire l’influence de Thiers sur l’Assemblée, malgré ou à cause de sa popularité : "Le chef de l’exécutif prendra le titre de président de la République", mais ses pouvoirs prendront fin en même temps que ceux de l’Assemblée, ce qui marque une évolution vers un régime de type parlementaire, avec un "gouvernement" responsable et un chef de l’État dont le rôle devait être moins direct ;
  • la deuxième loi ou Constitution Tréveneuc du 15 février 1872 confie aux assemblées départementales, les conseil généraux, la mission d’assurer la permanence de l’Assemblée nationale dans les cas où celle-ci serait empêchée de se réunir en raison d’une crise politique grave. Elle n'a jamais été abrogée.
  • la troisième loi ou Constitution de Broglie du 13 mars 1873, destinée également à limiter l’influence de Thiers, met en place un système compliqué de communication entre le chef de l’exécutif et l’Assemblée (qualifié de "cérémonial chinois" par Thiers) : finalement mis en minorité, Thiers est remplacé en mai 1873 par le Maréchal de Mac-Mahon, monarchiste légitimiste ;
  • le 20 novembre 1873 est adoptée une quatrième loi, celle du septennat : en attendant que les partisans des deux branches royales se mettent d’accord sur l’accession au trône de l’un des deux héritiers, elle organise le provisoire, en prévoyant une présidence personnelle au profit de Mac-Mahon pour une durée de sept ans, délai jugé suffisant pour régler la question.

La "Constitution" de 1875 et ses évolutions

Quatre lois constitutionnelles, brèves (à l'exception de la Constitution Tréveneuc) et essentiellement techniques, sans Déclaration ni préambule, fondent la IIIe République. Elles comprenaient 34 articles à l’origine mais, après des révisions, il ne restera plus que 25 articles applicables en 1940.

À une voix de majorité, le 30 janvier 1875, l’Assemblée adopte un amendement déposé par le député Henri Wallon, qui transforme le septennat personnel de Mac-Mahon en septennat impersonnel : le mot "République" entre ainsi incidemment dans la loi constitutionnelle. L’ensemble du texte relatif à l’organisation des pouvoirs publics dans lequel s’insérait cet amendement est voté le 25 févier 1875. Il sera "suivi" de la loi du 24 février 1875, relative à l’organisation du Sénat, puis par la loi du 16 juillet 1875 sur les rapports entre les pouvoirs publics.

Les lois de 1875 ne connaîtront pas beaucoup de révisions :
  • la première, du 21 janvier 1879, désigne Paris, et non plus Versailles, comme le siège des pouvoirs publics ;
  • la deuxième, du 14 août 1884, décide que la forme républicaine du gouvernement ne peut faire l’objet d’une proposition de révision et que les membres des familles ayant régné sur la France sont inéligibles à la présidence de la République (en souvenir notamment de 1848). La même loi constitutionnelle opère aussi la "déconstitutionnalisation" des articles de la loi du 24 février 1875 relative à l’organisation du Sénat, permettant à la loi ordinaire du 9 décembre 1884 de supprimer la catégorie des sénateurs inamovibles.
    Cette seconde loi de 1884 fait également varier le nombre de délégués selon la taille de la commune, en mettant fin au principe du délégué unique par commune pour le collège sénatorial, qui avait donné un poids politique considérable aux toutes petites communes, nombreuses en France. Par conséquent, cette révision renforce plutôt les bourgs et les chefs-lieux de canton.

Le régime instauré par les lois constitutionnelles de 1875

L’objectif initial des trois lois constitutionnelles de 1875 était la mise en place d’un régime parlementaire dualiste, ou orléaniste, pouvant fonctionner aussi bien dans le cadre d’une République que dans celui d’une monarchie modérée (le chef de l’État étant susceptible d’être un président de la République ou un roi).

Le pouvoir exécutif est bicéphale :
  • le président de la République, élu par les deux chambres réunies en Assemblée nationale à la majorité absolue, irresponsable, dispose de pouvoirs importants, mais ses actes doivent être contresignés par les ministres ;
  • ces derniers sont solidairement responsables devant les chambres de la politique générale du gouvernement, et individuellement de leurs actes personnels : la solidarité associée à la responsabilité est l’un des principes essentiels du régime parlementaire.
Le Parlement, appelé Assemblée nationale, est bicaméral et composé de la Chambre des députés et du Sénat. La première est élue au suffrage universel masculin direct, pour quatre ans, au scrutin uninominal d’arrondissement. Le Sénat, quant à lui, est élu au suffrage universel indirect, pour neuf ans, renouvelable par tiers tous les trois ans. Du fait de la composition de son collège électoral, comprenant surtout des élus locaux, le Sénat est, selon la formule de Gambetta, le "Grand conseil des communes françaises".

Les attributions du Sénat sont aussi nombreuses que celles de la Chambre des députés, ce bicaméralisme égalitaire étant destiné à garantir un équilibre institutionnel et à éviter les évolutions politiques trop brutales. Ainsi le Sénat vote-t-il la loi, tant constitutionnelle qu’ordinaire, et peut mettre en cause la responsabilité du gouvernement.


La pratique institutionnelle et politique

Le régime instauré en 1875 a connu très tôt un déséquilibre au profit de l’Assemblée.

La crise du 16 mai 1877, qui oppose le président de la République Mac-Mahon et la majorité républicaine de la Chambre, a entraîné une pratique politique et institutionnelle différente de ce que les lois de 1875 avaient prévu. Désormais, les ministres ne sont responsables que devant les chambres, et plus devant le Président de la République : au dualisme, est substitué un régime parlementaire moniste [unitaire].
Information
La Constitution Grévy
Tirant les conséquences de la crise de 1877 lors de son élection à la présidence de la République par les assemblées, Jules Grévy déclara dans son message de janvier 1879 qu’il n’entrerait jamais en lutte avec la volonté nationale exprimée par ses organes constitutionnels. Cette "Constitution Grévy", non écrite, marque l’effacement du chef de l’État, et la procédure de dissolution tombe alors en désuétude, pour ne plus être utilisée sous la IIIe République , en dépit de quelques tentatives ultérieures.
Face à cette situation, et malgré quelques titulaires à la forte personnalité, la présidence du Conseil n’arrivera pas à s’imposer face aux chambres, ce qui constitue une différence entre ce régime et celui de la Grande-Bretagne. L’effacement du chef de l’État ne profite donc pas au gouvernement : si la IIIe République consacre un exécutif bicéphale, ses deux têtes sont affaiblies. Elle est aussi fortement marquée par l’instabilité ministérielle (104 gouvernements de 1871 à 1940).

Ces faiblesses ont sans doute contribué à ce que le régime ne surmonte pas la Seconde Guerre mondiale.

Essentiel
Les débuts de la IIIe République sont marqués par le mouvement insurrectionnel de la Commune de Paris du 18 mars au 28 mai 1871 ;

Trois lois constitutionnelles votées en 1875 organisent un régime parlementaire doté d’un Parlement bicaméral. Le président de la République est élu par les deux chambres ;

La IIIe République dure 70 ans, ce qui en fait le régime qui a connu la plus grande longévité.
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Vichy et la Résistance (1940-1944) : deux légitimités concurrentes

Le régime de Vichy : une apparence de légitimité

Cette période de quatre ans a connu deux régimes de fait, concurrents sur le plan politique et militaire, présentés parfois comme des parenthèses dans l’histoire constitutionnelle. En réalité, ils s’inscrivent aussi dans sa continuité, à la fois parce qu’ils manifestent un rejet des régimes précédents, mais aussi parce qu’ils anticipent des évolutions postérieures.

Leur point commun est de se situer dans des logiques a-constitutionnelles, parce qu’ils sont établis pour répondre aux situations de crise exceptionnelles liées à la défaite militaire de juin 1940, et à l’occupation du territoire.

Refusant de demander l’armistice à l’Allemagne, le gouvernement de Paul Reynaud démissionne le 16 juin 1940. Le président de la République, Albert Lebrun, nomme alors le maréchal Pétain à la présidence du Conseil.

Pétain appelle dès le lendemain à cesser le combat, et signe l’armistice dès le 22 juin.

L’armistice divisant le pays en zone libre et zone occupée, les chambres quittent Paris et s’installent à Vichy. Réunies en Assemblée nationale, elles votent le 10 juillet 1940 une loi constitutionnelle, donnant à Pétain le pouvoir de promulguer une nouvelle Constitution.

Seuls 80 parlementaires se sont opposés à ce qu’ils considéraient comme un acte de décès de la République.

Les premiers actes constitutionnels, publiés dès le 11 juillet, consacrent un régime autoritaire et centré autour de la personne du Maréchal, qualifié de chef de "l’État français", la présidence de la République disparaissant de facto. Pétain choisit librement ses ministres, prône la "révolution nationale", où se mêlent l’exaltation de valeurs traditionnelles ("Travail, famille, patrie") plus ou moins fantasmées, et l’exploitation d’une culpabilité intense face à l’effondrement brutal de 1940.

Le Parlement, qui n’est pas dissous, mais "ajourné jusqu'à nouvel ordre", ne sera plus réuni durant toute l'Occupation, marquant ainsi le caractère autoritaire du régime de Vichy.

Pierre Laval, ancien président du Conseil sous la IIIe République, qui avait joué un rôle décisif dans le vote de la loi du 10 juillet 1940, exercera un pouvoir essentiel à Vichy, bien que Pétain l’écarte brièvement du pouvoir. Sa politique de collaboration avec l’Allemagne, qui lui vaudra d’être fusillé à la Libération, a contribué à éloigner de plus en plus de Français du régime.

Mettant fin à la fiction d’une zone "libre", les Allemands occupent la totalité du territoire français le 11 novembre 1942, en représailles au débarquement allié en Afrique du Nord. Le régime de Vichy s’est néanmoins maintenu jusqu'au mois d’août 1944, même si son projet constitutionnel du 30 janvier 1944 n’a jamais été promulgué.


La France libre, ou la légitimité de la Résistance

Le général de Gaulle, le 18 juin 1940, lance depuis Londres un appel à la résistance et à la continuation du combat contre l’envahisseur par tous les moyens. Reconnu chef des Français libres dès le 28 juin, il crée en septembre 1941 un Comité national français, qui tente d’être perçu comme le véritable gouvernement français (ce que les États-Unis, hostiles au général de Gaulle soupçonné d’être un futur dictateur, refusent).

En 1943 est créé un Comité français de Libération nationale – dont de Gaulle prend la direction contre le général Giraud, soutenu par les États-Unis –, qui se transforme en Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) à la veille du débarquement allié de juin 1944.


De Vichy au GPRF, la fin de la IIIe République

Le 9 août 1944, le GPRF adopte une ordonnance proclamant le rétablissement de la légalité républicaine. Il s’agit ainsi de présenter l’État français de Vichy comme une parenthèse, mais nullement de rétablir la IIIe République : de Gaulle souhaite profiter des événements militaires pour mettre en place des institutions politiques nouvelles, et non pas restaurer un régime ayant conduit, à ses yeux, à la défaite de 1940.

Une fois opéré le retour de tous les prisonniers et détenus, le sort des institutions de la IIIe République est tranché lors du référendum du 21 octobre 1945. Deux questions étaient posées :
  • la première étant "Voulez-vous que l’Assemblée élue ce jour soit constituante ?" – or, le choix du référendum constituant revient implicitement à considérer les lois constitutionnelles de 1875 comme d’ores et déjà abrogées, puisqu'elles ne prévoyaient pas cette procédure ;
  • la seconde question posée lors de ce même référendum vise à encadrer le pouvoir constituant de l’Assemblée nouvelle par des délais, et organise les pouvoirs jusqu'à la nouvelle constitution.
Véritable constitution provisoire, la loi du 2 novembre 1945 prévoit ainsi un régime d’assemblée, avec une assemblée unique et un chef de l’exécutif unique faisant fonction à la fois de chef de l’État et de chef du gouvernement, élu par l’assemblée.


L’élaboration laborieuse de la Constitution de la IVe République

L’assemblée constituante élue à la proportionnelle en octobre 1945 adopte un projet de constitution le 19 avril 1946, précédé d’une nouvelle Déclaration des droits de l’homme qui, pour partie, reprend les droits et libertés édictés par la Déclaration de 1789, et consacre par ailleurs des droits nouveaux de caractère économique et social.

Dans ce projet constitutionnel, établissant un régime d’assemblée, une assemblée unique aurait élu le président de la République et le président du Conseil. Cependant, les Français le rejettent lors du référendum du 5 mai 1946.

Une nouvelle assemblée constituante est élue le 2 juin. Un nouveau projet de constitution, résultat d’un compromis entre le MRP, le Parti communiste et la SFIO, c’est-à-dire les trois grands partis issus de la Résistance, marqué par le retour à un bicaméralisme inégalitaire et un renforcement de la position du président du Conseil, est élaboré.

Ces partis font campagne pour le "oui", le général de Gaulle, qui a présenté son propre projet dans son discours du 16 juin à Bayeux, faisant campagne pour le "non". Le projet est adopté par référendum, par 53 % des suffrages exprimés, non sans une certaine lassitude des électeurs.

Essentiel
Après la signature de l'armistice par le Maréchal Pétain le 22 juin 1940, la France est divisée en deux zones, l'une libre et l'autre occupée.

Le 10 juillet 1940, le Parlement vote les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain pour établir une nouvelle constitution. Les premiers actes constitutionnels, publiés le 11 juillet, consacrent un régime autoritaire dénommé l'État français qui mènera une politique de collaboration avec les forces d'occupation allemandes.

Le Général De Gaulle, dans son appel du 18 juin 1940, défend une autre légitimité, incarnée dans la Résistance. La Libération marque le retour de la République, le régime de Vichy est présenté comme une parenthèse dans l'histoire politique du pays.
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La IVe République : un régime marqué par une forte instabilité

Instabilité ministérielle

Sous la IVe République, la vie politique est caractérisée par une longue histoire d'instabilité ministérielle. On compte 24 gouvernements entre 1947 et 1958.

Cette instabilité s’explique d’abord par la prédominance du Parlement dans le système institutionnel. Celui-ci contrôle étroitement le gouvernement en intervenant dans sa composition par le biais de l’investiture, et en mettant fréquemment en cause sa responsabilité. S’il arrive qu’une majorité puisse s’accorder pour renverser l’équipe gouvernementale en place, il est en revanche souvent plus difficile qu’une autre majorité s’accorde sur la désignation d’un nouveau gouvernement.

Cette situation politique conduit à de longues et paralysantes crises ministérielles favorisées par le mode de scrutin proportionnel, qui contribue à l’émiettement de la représentation politique et l’absence de majorités politiques stables.


Une confusion des pouvoirs

Dans le même temps, l’exécutif ne dispose pas des moyens nécessaires pour s'imposer face au Parlement. Même si le droit de dissolution existe, il ne permet pas de rétablir un équilibre entre pouvoirs exécutif et législatif. Le droit de dissolution appartient au Conseil des ministres et se concrétise par un décret du président de la République. Mais les conditions contraignantes de sa mise en œuvre ne permettent son utilisation qu’une seule fois, en 1955.

Parallèlement, le Parlement s’est dessaisi de sa compétence législative à de nombreuses reprises, par le vote de lois donnant au gouvernement des pouvoirs spéciaux (ex : décrets-lois). Une telle pratique aboutit ainsi à une confusion des pouvoirs, sans pour autant garantir la stabilité institutionnelle nécessaire à la continuité et à l’efficacité de l’État. En pleine guerre d'Algérie (1954-1962), la IVe République s'effondre. Elle est remplacée par la Ve République en 1958.

Essentiel
La IVe République est un régime parlementaire. Elle se caractérise par la prédominance du pouvoir législatif (détenu par le Parlement) sur le pouvoir exécutif (incarné par le président du Conseil).

Le déséquilibre des pouvoirs et l'absence de majorité au Parlement empêchent la constitution d'un gouvernement uni et stable.
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La Chambre haute avant la Ve République


Du Directoire au Second Empire

Hormis la IIe République et les régimes transitoires – assemblée unique de Bordeaux puis de Versailles de 1871 à 1875, assemblée consultative provisoire puis assemblées constituantes de 1943 à 1946 – la France a toujours vécu sous le signe du bicamérisme. Les projets de suppression du Sénat (1946) ou d’affaiblissement de ce dernier (1969) ont ainsi été écartés par les Français consultés par référendum.

La première chambre haute a été créée par le Directoire (1795). Composé de 250 membres élus âgés de plus de 40 ans, le Conseil des Anciens a alors le pouvoir d’adopter ou de rejeter en bloc les lois adoptées par le Conseil des Cinq cents : selon Boissy d'Anglas, "Les Cinq cents sont l’imagination de la République. Les Anciens en sont la raison".

Le Consulat (1799) crée le premier Sénat, composé de 80 membres, âgés de plus de 40 ans, nommés à vie et inamovibles. Il est le premier à siéger au Palais du Luxembourg. Toutes les autres chambres hautes conserveront ce siège, à l’exception du Sénat de la IIIe République jusqu'en 1879, date du transfert des pouvoirs publics de Versailles à Paris.

Gardien de la Constitution, le Sénat du Consulat, dit "Sénat conservateur", peut annuler les actes transmis par le Tribunat ou le Gouvernement, dissoudre le Tribunat et le Corps législatif (qui sont les deux organes législatifs) et réformer les décisions de justice contraires à la sûreté de l’État. À partir de 1802, il peut prendre des sénatus-consultes sur tous les sujets non réglés par la Constitution.

Le Sénat du Ier Empire reprend ces attributions. Y siègent les maréchaux, les princes d’Empire et les citoyens nommés à cet effet par l’Empereur. Créé pour défendre le régime, le Sénat le sabordera en votant, en mai 1814, la déchéance de l’Empereur.

La Restauration bourbonienne (1814-1815) garde le principe du bicamérisme. La chambre des pairs, composée de pairs héréditaires ou à vie, nommés par le roi en nombre illimité, représente l’aristocratie. Elle partage le pouvoir législatif avec la Chambre des députés, même si les parlementaires sont dépourvus de l’initiative des lois. La Chambre des pairs peut seule juger les ministres. Malgré cette prédominance de la Chambre des pairs, la chambre basse va progressivement prendre la première place en parvenant à faire émerger l’idée de responsabilité du Gouvernement devant elle, idée qui ne disparaîtra plus.

La Monarchie de Juillet donne aux deux chambres l’initiative des lois. La Chambre des pairs est semblable à celle de la Restauration, mais l’hérédité est supprimée en 1831. Les séances, jusqu'alors secrètes, deviennent publiques.

Alors que la République de 1848 avait supprimé la chambre haute, le Second Empire (1852) rétablit le Sénat. Composé de dignitaires et de membres nommés à vie, entre 80 et 150, il a pour rôle la défense de la Constitution et des libertés publiques. Il assure donc le contrôle de constitutionnalité des lois adoptées par le Corps législatif, ainsi que des actes qui lui sont transmis par le Gouvernement ou les citoyens.

Il a le droit de combler les lacunes de la Constitution par le biais de sénatus-consultes, peut prendre l’initiative d’une révision constitutionnelle et assume le pouvoir législatif en cas de dissolution du Corps législatif. Les réformes constitutionnelles de l’Empire libéral (de 1860 à 1870) élargissent les compétences du Sénat, partagent le pouvoir législatif entre les assemblées et créent la navette.


1875-1958 : de la IIIe à la Ve République

Les lois constitutionnelles de 1875 mettent en place un bicamérisme égalitaire avec un Sénat doté de pouvoirs équivalents à ceux de la Chambre des députés : mise en jeu de la responsabilité du Gouvernement, pouvoir législatif égalitaire – sauf pour les textes financiers soumis en premier lieu aux députés – sans procédure de concertation, révision constitutionnelle, élection du président de la République, etc. À la différence de la Chambre, cependant, le Sénat ne peut être dissous (il doit d’ailleurs autoriser la dissolution de celle-ci), et assume la fonction de juge du chef de l’État et des membres du Gouvernement.

Le Sénat de 1875 comprenait 300 membres âgés de plus de 40 ans : 225 élus au suffrage universel indirect pour neuf ans et renouvelables par tiers ; 75 inamovibles élus par l’Assemblée nationale (réunion des deux chambres) pour les premiers, par le Sénat ensuite pour les renouveler en cas de décès. Les sénateurs inamovibles furent supprimés en 1884, ceux en place étant remplacés par des sénateurs élus au fur et à mesure de leur décès. Fortement critiqué par les républicains aux débuts du régime, le Sénat s’ancre peu à peu dans les institutions et l’esprit des Français.

Ayant renversé dix gouvernements, dont celui de Léon Blum en 1937, et bloqué plusieurs projets de réformes, le Sénat garde l’image d’une assemblée certes républicaine, mais très conservatrice.

Après l’échec de la Constitution monocamérale de 1946, la IVe République conserve une chambre haute, mais en la diminuant singulièrement par rapport au Sénat de 1875 : le bicamérisme devient inégalitaire. Le Conseil de la République composé de conseillers de la République (le terme de "sénateurs" étant rétabli en 1948) élus pour six ans (aux 5/6e au suffrage universel indirect, et par l’Assemblée nationale pour le dernier 1/6e jusqu'en 1948, en totalité au scrutin indirect ensuite) perd le pouvoir de faire la loi (votée par la seule Assemblée nationale).

La navette disparaît et le Conseil de la République se contente de donner un avis lors d’une seule lecture. Il partage le pouvoir de révision de la Constitution, participe à l’élection du président de la République, et son président peut saisir le Comité constitutionnel. En 1954, le Conseil de la République regagne l’intégralité de son pouvoir législatif perdu, l’Assemblée ayant le dernier mot au terme d’un délai variable selon l’urgence des textes.

Conçue à l’origine contre la chambre haute, la Constitution de 1946 lui redonne ainsi sa place.

Le Sénat de 1958, fondé sur un "bicamérisme équilibré" (J.-L. Hérin), apparaît au total comme une synthèse des chambres hautes qu’a connues la France au cours de son histoire.

Essentiel
La France connaît une longue tradition de bicamérisme. Le Parlement est ainsi constitué de deux chambres, la chambre basse (actuelle Assemblée nationale) et la chambre haute (actuel Sénat).

La première chambre haute date de 1795. Créée par le Directoire, le Conseil des anciens a le pouvoir de bloquer les lois adoptées par la chambre basse (Conseil des cinq cents). Le premier Sénat est créée sous le Consulat en 1799.

Présente sous les IIIe et IV République, la chambre haute a l’image d’une assemblée certes républicaine mais conservatrice.
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