L'adhérence
Le rôle des pneumatiques
Le mouvement de la voiture dépend de quatre forces, et de quatre seulement : la force de traction, la force de retenue, la force de freinage et la force de guidage.
Si ces forces n’existaient pas, il n’y aurait ni variation de vitesse, ni changement de trajectoire.
Autrement dit, la voiture resterait immobile ou serait totalement incontrôlable.
D’où viennent ces forces ? Elles naissent au contact du sol et s’exercent à la périphérie des pneumatiques. Elles se transmettent ensuite aux roues, au châssis et à l’ensemble des éléments qui composent la voiture. Dès lors, on comprend pourquoi le pneumatique est l’organe essentiel de la création et de la transmission du mouvement.
Un pneumatique moderne doit réunir des qualités qui, pendant longtemps, ont semblé inconciliables : endurance, faible résistance au roulement, faible bruit de roulement et surtout, adhérence.
La texture de la gomme, autrement dit sa composition chimique, peut privilégier, soit l’endurance au détriment de l’adhérence (gomme dure des pneus de camions), soit l’adhérence au détriment de l’endurance (gomme tendre des pneus de motos).
La masse surfacique
Le choix d’une gomme adaptée à un usage spécifique dépend d’une grandeur nommée masse surfacique.
On désigne ainsi le rapport entre la masse du véhicule à freiner ou guider, et la surface totale de contact au sol de ses pneumatiques. Cette grandeur s’exprime généralement en kilogramme par centimètre carré (symbole kg.cm²).
Les valeurs courantes vont de 1,5 pour les voitures de tourisme avec deux personnes à bord sans bagages (cela signifie que chaque centimètre carré de la bande de roulement des pneumatiques doit alors freiner ou guider une masse d’1,5 kilogramme), à 8 pour les poids lourds (2).
Les performances des pneumatiques sont liées à la valeur moyenne et idéale de masse surfacique pour laquelle ils ont été conçus : plus la masse surfacique augmente (par adjonction d’un chargement, par exemple), plus il est difficile de freiner ou guider le véhicule.
Et tous les pneus ne se valent pas : à taille identique et à masse surfacique égale, ces performances varient selon les manufacturiers, elles dépendent de la nature de la gomme qui garnit la bande de roulement.
Le revêtement routier
Observons de près la surface d’une route : on constate que le revêtement est constitué de divers granulats (morceaux de roches concassées, gravillons, sable) noyés dans du bitume (goudron).
Les granulats qui émergent à la surface du bitume forment des aspérités plus ou moins saillantes et plus ou moins espacées, c’est la macro-rugosité du revêtement.
La microrugosité désigne l’état de surface des granulats eux-mêmes.
En outre, la nature et les caractéristiques chimiques de la roche d’où ont été extraits les granulats conditionnent les affinités de contact qui peuvent exister entre différents matériaux.
Sur le seul critère de la rugosité, on recense une bonne dizaine de classes de revêtements routiers bitumés, chacune caractérisée par un potentiel d’adhérence, autre appellation de la glissance.
L’adhérence des pneumatiques
L’adhérence se définit comme la qualité du contact entre le revêtement routier et la bande de roulement des pneumatiques.
L'adhérence d’un pneumatique repose sur trois mécanismes distincts :
- Le poids qui pèse sur la roue, autrement dit la force verticale qui permet le contact entre le pneumatique et le sol, car sans ce contact, rien n’est possible.
- L’indentation (de ‘‘dent’’), c’est la capacité de la gomme des pneumatiques à se déformer au contact des aspérités du revêtement routier pour en épouser les contours, capacité essentielle pour caler la roue et l’empêcher de glisser.
- L’adhésion (à distinguer de l’adhérence), due aux affinités de contact entre les molécules de la bande de roulement des pneumatiques et celles des granulats qui composent le revêtement routier. En effet, certaines de ces molécules ont la propriété de s’attirer mutuellement durant le temps très bref (quelques millièmes de seconde) pendant lequel elles sont en contact.
Les conditions d’adhérence
Les performances des pneumatiques sont tributaires des conditions d’adhérence :
1. Le profil de la route : montée, descente, dévers positif ou négatif. En effet, toutes conditions égales par ailleurs, l’adhérence de freinage est améliorée en montée et pénalisée en descente (voir dossier ADILCA ‘‘déclivités’’). De même, l’adhérence de guidage est améliorée en dévers positif et pénalisée en dévers négatif.
2. La nature du revêtement : terre, béton ou bitume.
3. La rugosité du revêtement routier ainsi que ses caractéristiques chimiques, autrement dit, son potentiel d’adhérence.
4. La température ambiante ainsi que celle des pneumatiques. La température est une manifestation de l’agitation des molécules qui composent la matière et donc de leur aptitude à créer des affinités de contact, aussi éphémères soient-elles.
5. Les corps étrangers qui peuvent s’interposer entre le revêtement routier et la bande de roulement des pneumatiques : eau, poussières, hydrocarbures, gravillons, terre, sable, sel, neige fraîche, neige tassée ou glace…
Remarque : les mécanismes d’indentation et d’adhésion des pneumatiques hautes performances ne fonctionnent que dans des conditions d’adhérence parfaites : route horizontale et sans dévers, température idéale, bitume rugueux, propre et sec.
Les forces en présence
On a longtemps cru que la force verticale provenant de la masse qui pèse sur les roues, et dont dépend le contact des pneumatiques avec le sol (c’est ce qu’on appelle vulgairement le poids), constituait une limite que la force horizontale (de freinage ou de guidage) ne pourrait jamais atteindre, et encore moins dépasser.
Il s’agit là d’une interprétation erronée de la loi de Coulomb, qui ne s’applique qu’aux frottements simples, autrement dit, au glissement. Or, en automobile, c’est l’adhérence de roulement qui permet d’obtenir les performances maximales de freinage ou de guidage, grâce à l’indentation et l’adhésion des pneumatiques.
Roulement et glissement
En termes de liaison au sol, on distingue la résistance au roulement (la roue tourne librement avec une valeur de glissement nulle), l’adhérence de roulement (la roue tourne avec une valeur de glissement, comprise entre 5 et 20 %) et l’adhérence de glissement (la roue tourne avec une valeur de glissement supérieure à 20 %, une valeur de 100 % signifiant que la roue cesse de tourner et glisse sur la chaussée).
L’effet maximal d’indentation et d’adhésion est obtenu avec une amorce de glissement des pneumatiques, mais cet effet qui cesse si le glissement est trop important.
Autrement dit, lorsque le revêtement est rugueux, propre et sec, l’adhérence de roulement est toujours plus efficace que l’adhérence de glissement. C’est pourquoi les distances de freinage sont allongées en cas de blocage des roues : cela revient à se priver des effets de l’indentation et de l’adhésion.
Coefficient d’adhérence : la vraie définition…
Le coefficient d’adhérence se définit comme le rapport entre deux forces : la force de freinage (ou de guidage) et le poids de la voiture.
Après simplification, le coefficient d’adhérence se présente comme le rapport entre deux accélérations (3)
. Du point de vue de la physique, la valeur obtenue est une grandeur sans dimension.
Calcul du coefficient d’adhérence
Le calcul du coefficient d’adhérence nécessite de connaître la décélération de la voiture (s’il s’agit d’un freinage), ou son accélération transversale (s’il s’agit d’une trajectoire circulaire) :
- Dans le cas d’un freinage, la décélération se calcule à partir de la vitesse initiale et de la distance de freinage ; le tableau suivant indique les valeurs correspondant à un coefficient d’adhérence égal à 1 :
- Dans le cas d’une trajectoire circulaire, l’accélération transversale se calcule à partir de la vitesse instantanée et du rayon de trajectoire (4)
;
le tableau suivant indique les valeurs correspondant à un coefficient d’adhérence égal à 1 :
- Dans le cas d’un deux-roues décrivant une trajectoire circulaire sur une chaussée horizontale et sans dévers, outre le mode de calcul précédent, le coefficient d’adhérence est très exactement égal à la tangente trigonométrique de l’angle d’inclinaison par rapport à la verticale .
Le conducteur et son rôle
Contre toute attente, le conducteur a lui aussi un rôle à jouer ! En effet, pour bénéficier des performances maximales des pneumatiques, notamment au freinage, une amorce de glissement est nécessaire. Mais la sollicitation doit rester modérée car l’adhésion cesse si l’indentation est impossible ou si le glissement se substitue au roulement.
Cette manœuvre est si inhabituelle en conditions normales, si brève (moins de 3 secondes suffisent pour immobiliser une voiture lancée à 100 km.h-1 sur un bitume plan, propre et sec), et si délicate à contrôler, qu’elle fait l’objet d’un enseignement spécialisé dans des écoles de perfectionnement ou d’initiation au pilotage.
Dans la conduite de tous les jours, les éléments de sécurité active tels que le système antiblocage de roue (ABS), les systèmes anti-patinage (ASC / EDS) et le contrôle électronique de trajectoire (ESP) sont des aides précieuses, car ils permettent de réguler le glissement ou la dérive autour de valeurs optimales.
Mais attention, ces systèmes ont leurs limites : ils n’améliorent pas les conditions d’adhérence, ils ne remplacent pas le conducteur et ne corrigent pas non plus d’éventuelles réactions inappropriées…