« Le triomphe des démagogues est provisoire mais les ruines sont éternelles » Charles Peguy Depuis 9 mois, la mortalité augmente à raison de 8,5% par an. Pendant ces 12 derniers mois 3.269 personnes ont été tuées (pour rappel 3.268 en 2013). Aucun progrès depuis 10 ans, aucune mesure forte pour lutter contre ce fléau, il ne reste plus à la Sécurité routière, qui a pour consigne « de ne pas embêter les français », que de masquer son échec d’une manière positive « 3 167 personnes ont perdu la vie sur les routes de France métropolitaine en 2023, contre 3 267 en 2022 (- 100 tués soit – 3,1 %). C’est la première fois depuis 1926, que le nombre de tués sur les routes métropolitaines est inférieur à 3 200 (hors années covid) » (infolettre du 12 juin 2024). En juillet 2010, la Commission européenne vise à réduire de moitié le nombre de morts sur les routes européennes au cours des dix prochaines années. Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, adapte cet objectif à la situation française « moins de 2.000 tués en 2020 ». En 2019, il y a eu 3.244 tués : promesse non tenue ! En février 2020, la France signe la Déclaration de Stockholm qui engage les signataires à réduire de moitié le nombre de décès et de blessures graves sur les routes à l’horizon 2030, et atteindre l’objectif ultime « zéro décès et blessures graves sur les routes d’ici à 2050 ». La réalisation de cet objectif implique une baisse moyenne annuelle de 6,7%. Depuis que le Président Macron est au pouvoir, mai 2017, il y a eu
23.000 tués et 130.000 blessés graves et la baisse moyenne n’est que de 0,9% par an (versus les -9,5% du mandat présidentiel de J Chirac 2002-2007). Si la France avait tenu son engagement (-6,7% par an),
plus de 3.000 personnes auraient été sauvées et des blessures graves auraient été évitées à près de 15.000 autres. La collectivité nationale aurait épargné près de 32 milliards d’euros (selon l’estimation de l’Université Gustave Eiffel), somme qui manque au gouvernement pour boucler les budgets 2024 et 2025. Depuis 10 ans la sécurité routière est devenue une variable d’ajustement de l’acceptabilité sociale, et quelle que soit la nouvelle assemblée, nous craignons et refusons qu’elle le reste. Nous exigeons que le futur gouvernement ait le courage politique de ne plus ignorer que le coût sociétal de l’insécurité routière est supérieur à 100 milliards d’euros et qu’il y a là une source d’économies immédiates en réduisant significativement le nombre de victimes sur les route.
Sabotage de l’arme absolue contre les excès de vitesse Pour faire respecter les limitations de vitesse, en novembre 2006 la France a présenté le « LAVIA », un limiteur de vitesse intelligent qui a été testé :
- en mode purement informatif, un simple affichage de la limitation de vitesse avec une alerte visuelle en cas de dépassement,
- en mode actif débrayable, c’est-à-dire un limiteur qui provoque automatiquement une décélération progressive du véhicule jusqu’à la vitesse autorisée, mais qui peut être mis hors service à tout moment au gré du conducteur,
- en mode actif non débrayable, c’est le limiteur précédent ne pouvant jamais être mis hors service, donc toujours actif.
Dans les modes actifs débrayables et non-débrayables, le système peut néanmoins être neutralisé en cas d’urgence par un simple appui fort sur la pédale d’accélérateur (le «kick- down»). Bien que les autorités estiment qu’en mode actif non débrayable ces limiteurs de vitesse intelligents pourraient réduire le nombre d’accidents de 30 % et celui des décès de 20 %, pour ne pas agacer leurs électeurs-conducteurs, nos politiques l’ont « placardisé » pendant 18 ans.
Alerte à la survitesse En 2019, l’Europe a sorti un règlement obligeant les constructeurs à équiper, à partir du 7 juillet 2024, tous les véhicules neufs sortant des lignes de production d’un simple dispositif qui avertit (alertes visuelles et sonores) le conducteur d’un dépassement de la limitation de vitesse en vigueur sur la route où il évolue. En plus de ces avertisseurs elle permet, au choix du constructeur, un mode actif débrayable qui peut être outrepassé en appuyant plus fortement sur la pédale de droite. Toutefois, à chaque démarrage, les conducteurs peuvent désactiver ces dispositifs. Bruxelles a en quelque sorte donné carte blanche aux constructeurs, qui ont le choix entre le simple avertissement sonore ou forcer le véhicule à ralentir. Cependant, en raison de son coût plus élevé, cette option active demeure moins populaire. Pour exemple Peugeot rapporte que son système se traduit uniquement par un signal sonore et un signal visuel, et non par un système actif même débrayable. Autant nous soutenons le limiteur de vitesse intelligent actif non débrayable au motif qu’il interdit tout dépassement de la vitesse autorisée, autant nous dénonçons les systèmes informatifs et débrayables mis en œuvre par les constructeurs qui permettent d’enfreindre la réglementation. Ainsi les conducteurs qui dépasseront les limitations de vitesse le feront en toute conscience puisqu’ils ont été avertis, et même intentionnellement s’ils ont désactivé le système, et à ce titre les fautes étant plus graves les sanctions encourues mériteraient être plus lourdes. Alors que les usagers de deux-roues motorisés ont 20 fois plus de risques d’être tués que les usagers de voitures, nous regrettons que les deux-roues motorisés ne soient pas concernés par ces limiteurs de vitesse intelligents.
La boîte noire : Un gendarme à bord ? …Non, un avocat embarqué. Aux États-Unis, les « boîtes noires » ont vu leur apparition dans les années 70 avec les coussins gonflables de sécurité ; 64% des véhicules légers de l’année 2005 en étaient équipés. Depuis le 1er septembre 2015, elles sont obligatoires pour toutes les voitures neuves. Selon les autorités américaines, elles auraient permis de réduire de 20% le nombre d’accidents en cinq ans. Parmi les équipements de sécurité imposés par l’Europe en 2019, figure la boîte noire, officiellement connue sous le nom EDR (Event Data Recorder) qui doit équiper tous les véhicules neufs à compter du 7 juillet 2024. Elle est intégrée à 100% à la voiture. Elle fait partie intégrante de la voiture. Elle n’est donc ni installée, ni désinstallée et ne peut en aucun cas être désactivée.
La boîte noire permet une meilleure justice L’examen des faits dans les accidents de la route est très souvent rendu difficile par l’absence de données objectives. De coûteuses expertises ne suffisent pas toujours pour éclairer la justice. La « boîte noire » ne résout sans doute pas tous les problèmes, mais permet au moins d’établir avec minutie et rigueur les paramètres les plus importants, ceux qui manquent lors des enquêtes (vitesse initiale, freinage, clignotants, feux de route, feux de croisement, etc.). Une analyse de l’enregistreur permet de lever les doutes, de déterminer plus objectivement les causes de l’accident et d’en tirer les enseignements utiles, notamment en termes de responsabilité.
La boîte noire permet une meilleure prévention C’est l’outil par excellence pour trouver l’ADN de l’accident. Par ce moyen, non seulement on améliore la qualité des enquêtes, mais les données recueillies alimentent utilement une démarche de prévention. Les solutions proposées pour éviter que l’accident ne se reproduise pas sont beaucoup plus pertinentes puisque construites sur des éléments sûrs et précis et non plus sur des interprétations et des jugements de valeur. De tels efforts méthodiques pratiqués dans le transport aérien et ferroviaire doivent trouver leur application dans le domaine de la circulation routière. De plus, cette « boîte noire » est un témoin embarqué, muet et permanent qui révèle ce qu’elle a enregistré dans un court délai avant, pendant et après l’accident. Elle constitue une excellente voie de régulation des comportements. Les tests effectués jusqu’à ce jour montrent que les conducteurs qui utilisent ces matériels deviennent plus prudents. Les expériences qui ont été menées dans différents pays montrent que la seule présence de cette « boîte noire » dans les véhicules permet une réduction significative des accidents. Enfin la connaissance de ces données, en particulier les décélérations subies par les victimes. faciliterait le travail des urgentistes. Ils pourraient alors déterminer le meilleur traitement en fonction de la gravité de l’impact et par conséquent réduire la mortalité et les séquelles des blessures graves.
Principe de l’enregistreur du contexte accidentologique (boîte noire) Selon le règlement (UE) 2019/2144 du Parlement Européen,
la « boîte noire » est en mesure d’enregistrer les données pendant les 30 secondes qui précèdent l’accident et au cours des 10 secondes qui suivent l’impact. Elle est en mesure d’enregistrer les données suivantes :
- la vitesse,
- les phases d’accélération ou de freinage,
- l’activation ou non du clignotant,
- le port de la ceinture,
- la force de collision,
- le régime moteur,
- l’inclinaison de la voiture.
Ces données, totalement anonymisées, permettent aux instituts de recherche de mener une analyse poussée en matière de sécurité routière. De même, seuls les enquêteurs pourront récupérer des données plus précises en cas de doute concernant un accident de la route. En revanche, à l’inverse des boîtes noires dans les avions, celle des voitures n’est pas capable de capter les sons dans l’habitacle. Nous regrettons que les deux-roues motorisés ne soient pas encore concernés par ces « boites noires » L’article
Analyse bilan de sécurité routière mai 2024 est apparu en premier sur
Ligue contre la violence routière.
Source:
https://www.violenceroutiere.fr/analyse ... -mai-2024/